jeudi 27 février 2014

L’évêque est avant tout un martyre du Ressuscité

Discours du Pape François à la réunion de la Congrégation pour les évêques.

1. L’essentiel de la mission de la Congrégation
Dans la célébration d’ordination d’un évêque, l’Église réunie, après l’invocation du Saint-Esprit, demande que soit ordonné le candidat présenté. Celui qui préside demande à ce moment-là : « Avez-vous le mandat ? ». Dans cette question résonne ce que fit le Seigneur : « Il appella à lui les Douze et il se mit à les envoyer en mission deux à deux... » (Mc 6, 7). Au fond, la question pourrait s’exprimer aussi ainsi : « Êtes-vous certains que son nom a été prononcé par le Seigneur ? Êtes-vous certains que c’est le Seigneur qui l’a compté au nombre des appelés à être avec Lui de façon singulière et pour lui confier la mission qui n’est pas la sienne, mais qui a été confiée au Seigneur par le Père ? ».
Cette Congrégation existe pour aider à écrire ce mandat, qui résonnera ensuite dans un grand nombre d’Églises et apportera la joie et l’espérance au saint peuple de Dieu. Cette Congrégation existe pour s’assurer que le nom de celui qui est choisi a été tout d’abord prononcé par le Seigneur. Voilà la grande mission confiée à la Congrégation pour les évêques, sa tâche la plus exigeante : identifier ceux que l’Esprit Saint lui-même place à la tête de son Église.
Des lèvres de l’Église parviendra en tout temps et en tout lieu la demande : donne-nous un évêque ! Le saint peuple de Dieu continue de parler : nous avons besoin de quelqu’un qui nous surveille d’en haut ; nous avons besoin de quelqu’un qui nous regarde avec l’ampleur du cœur de Dieu ; nous n’avons pas besoin d’un manager, d’un administrateur délégué d’une entreprise, ni de quelqu’un qui soit au niveau de nos petitesses ou de nos menues prétentions. Nous avons besoin de quelqu’un qui sache s’élever à la hauteur du regard de Dieu sur nous pour nous guider vers Lui. C’est uniquement dans le regard de Dieu qu’il y a un avenir pour nous. Nous avons besoin de qui, connaissant l’ampleur du champ de Dieu plus que l’étroitesse de son propre jardin, nous garantisse que ce à quoi aspirent nos cœurs n’est pas une vaine promesse.
Les personnes parcourent avec peine la plaine du quotidien, et elles ont besoin d’être guidées par qui est capable de voir les choses d’en haut. C’est pourquoi, nous ne devons pas perdre de vue les nécessités des Églises particulières auxquelles nous devons répondre. Il n’existe pas un pasteur standard pour toutes les Églises. Le Christ connaît la singularité du pasteur que toute Église requiert pour qu’il réponde à ses besoins et l’aide à réaliser ses potentialités. Notre défi est d’entrer dans la perspective du Christ, en tenant compte de cette singularité des Églises particulières.
2. L’horizon de Dieu détermine la mission de la Congrégation
Pour choisir ces ministres, nous avons tous besoin de nous élever, de monter nous aussi au « niveau supérieur ». Nous ne pouvons pas manquer de monter, nous ne pouvons pas nous contenter de mesures basses. Nous devons nous élever au-delà et au-dessus de nos éventuelles préférences, sympathies, appartenances ou tendances pour entrer dans l’ampleur de l’horizon de Dieu et pour trouver ceux qui portent son regard d’en haut. Pas des hommes conditionnés par la peur d’en bas, mais des pasteurs dotés de parresia, capables d’assurer qu’il y a dans le monde un sacrement d’unité (Const. Lumen gentium, n. 1) et donc que l’humanité n’est pas destinée à la dérive et à l’égarement.
Tel est le grand objectif, dessiné par l’Esprit, qui détermine la manière dont se déroule cette tâche généreuse et exigeante, pour laquelle je suis immensément reconnaissant à chacun de vous, à commencer par le cardinal-préfet Marc Ouellet et en vous embrassant tous, cardinaux, archevêques et évêques membres. Je voudrais également adresser une parole spéciale de reconnaissance, pour la générosité de leur travail, aux officiaux de ce dicastère, qui silencieusement et patiemment contribuent à la réussite du service de pourvoir l’Église des pasteurs dont elle a besoin.
En signant la nomination de chaque évêque, je voudrais pouvoir toucher l’autorité morale de votre discernement et la grandeur des horizons avec laquelle mûrit votre conseil. Pour cela, l’esprit qui préside vos travaux, de la tâche ardue des officiaux jusqu’au discernement des supérieurs et membres de la Congrégation, ne pourra être que cet humble, silencieux et laborieux processus exercé sous la lumière qui vient d’en haut. Professionnalisme, service et sainteté de vie : si nous nous éloignons de ce trinôme, nous nous trouvons déchus de la grandeur à laquelle nous sommes appelés.
3. L’Église apostolique comme source
Alors où trouver cette lumière ? La hauteur de l’Église se trouve toujours dans les profondeurs de ses fondements. Dans l’Église apostolique, il y a ce qui est haut et profond. L’avenir de l’Église habite toujours dans ses origines.
C’est pourquoi je vous invite à faire mémoire et à « visiter » l’Église apostolique pour y chercher certains critères. Nous savons que le collège épiscopal, dans lequel seront insérés les évêques à travers le sacrement, succède au collège apostolique. Le monde a besoin de savoir qu’existe cette succession ininterrompue. Dans l’Église tout au moins, ce lien avec l’arché divine ne s’est pas rompu. Les personnes connaissent déjà la souffrance de tant de ruptures : elles ont besoin de trouver dans l’Église cette permanence indélébile de la grâce du commencement.
4. L’évêque comme témoin du Ressuscité
Examinons par conséquent le moment où l’Église apostolique doit recomposer le collège des Douze après la trahison de Judas. Sans les Douze, la plénitude de l’Esprit ne peut pas descendre. Le successeur doit être cherché parmi ceux qui ont suivi depuis le début le parcours de Jésus et peut à présent devenir « avec les douze » un « témoin de la résurrection » (cf. Ac 1, 21-22). Il faut sélectionner parmi les disciples de Jésus les témoins du Ressuscité.
De là dérive le critère essentiel pour esquisser le visage des évêques que nous voulons avoir. Qui est un témoin du Ressuscité ? C’est quelqu’un qui a suivi Jésus dès les débuts et qui est constitué avec les apôtres témoin de sa Résurrection. Pour nous aussi, c’est là un critère unifiant : l’évêque est celui qui sait rendre actuel tout ce qui est arrivé à Jésus et surtout sait, avec l’Église, se faire témoin de sa Résurrection. L’évêque est avant tout un martyre du Ressuscité. Ce n’est pas un témoin isolé mais ensemble, avec l’Église. Sa vie et son ministère doivent rendre crédible la Résurrection. En s’unissant au Christ dans la Croix en se livrant vraiment lui-même, il fait jaillir pour son Église la vie qui ne meurt pas. Le courage de mourir, la générosité d’offrir sa propre vie et de se consumer pour le troupeau sont inscrits dans l’ADN de l’épiscopat. Le renoncement et le sacrifice sont congénitaux à la mission épiscopale. Et je veux souligner cela : le renoncement et le sacrifice sont congénitaux à la mission épiscopale. L’épiscopat n’est pas pour soi mais pour l’Église, pour le troupeau, pour les autres, surtout pour ceux qui, selon le monde, seraient à mettre au rebut.
Par conséquent, pour identifier un évêque, la comptabilité des dons humains, intellectuels, culturels ou même pastoraux n’est pas nécessaire. Le profil d’un évêque n’est pas la somme algébrique de ses vertus. Il est certain que nous avons besoin de quelqu’un qui excelle (cic, can. 378 § 1) : son intégrité humaine assure sa capacité de relations saines, équilibrées, pour ne pas projeter sur les autres ses propres manques et devenir un facteur d’instabilité ; sa solidité chrétienne est essentielle pour promouvoir la fraternité et la communion ; son comportement juste atteste de la haute mesure des disciples du Seigneur ; sa préparation culturelle lui permet de dialoguer avec les hommes et leurs cultures ; son orthodoxie et sa fidélité à la vérité tout entière conservée par l’Église en fait un pilier et un point de référence ; sa discipline intérieure et extérieure permet d’être en possession de soi-même et ouvre un espace pour l’accueil et la conduite des autres ; sa capacité à gouverner avec une fermeté paternelle garantit la sécurité de l’autorité qui aide à grandir ; sa transparence et son détachement dans l’administration des biens de la communauté confère une autorité morale et suscite l’estime de tous.
Tous ces dons indispensables doivent toutefois être une déclinaison du témoignage central du Ressuscité, subordonnés à cet engagement prioritaire. C’est l’Esprit du Ressuscité qui fait ses témoins, qui parfait et élève la qualité et les valeurs en édifiant l’évêque.
5. La souveraineté de Dieu auteur du choix
Mais revenons au texte apostolique. Après le discernement difficile, vient la prière des apôtres : « Toi, Seigneur, qui connais le cœur de tous les hommes, montre-nous lequel de ces deux tu as choisi » (Ac 1, 24) et « ils tirèrent au sort » (Ac 1, 26). Apprenons quelle est l’atmosphère de notre travail et qui est le véritable Auteur de nos choix. Nous ne pouvons pas nous éloigner de ce « montre-toi, Seigneur ». Il est toujours indispensable d’assurer la souveraineté de Dieu. Les choix ne peuvent pas être dictés par nos prétentions, conditionnés par d’éventuelles « équipes », factions ou hégémonies. Pour garantir cette souveraineté, deux attitudes fondamentales sont nécessaires : le tribunal de notre propre conscience devant Dieu et la collégialité. Et cela constitue une garantie.
Dès les premiers pas de notre travail complexe (des nonciatures au travail des officiaux, des membres et des supérieurs), ces deux attitudes sont incontournables : la conscience devant Dieu et l’engagement collégial. Pas décider de manière arbitraire, mais discerner ensemble. Personne ne peut tout avoir en main, chacun pose avec humilité et honnêteté sa propre tesselle dans une mosaïque qui appartient à Dieu.
Cette vision fondamentale nous pousse à abandonner le petit cabotage de nos barques pour suivre la route du grand navire de l’Église de Dieu, son horizon universel de salut, sa boussole solide dans la Parole et dans le ministère, la certitude du souffle de l’Esprit qui la pousse et la certitude du port qui l’attend.
6. Des évêques « kérygmatiques »
Un autre critère nous est enseigné par Ac 6, 1-7 : les apôtres imposent les mains sur ceux qui doivent servir aux table, car ils ne peuvent pas « laisser de côté la Parole de Dieu ». Etant donné que la foi vient de l’annonce, nous avons besoin d’évêques kérygmatiques. Des hommes qui rendent accessible ce « pour vous » dont parle saint Paul. Des hommes gardiens de la doctrine, non pour mesurer à quel point le monde vit éloigné de la vérité que celle-ci contient, mais pour fasciner le monde, pour l’enchanter par la beauté de l’amour, pour le séduire avec l’offre de la liberté donnée par l’Évangile. L’Église n’a pas besoin d’apologistes de ses propres causes, ni de croisades pour ses batailles, mais de semeurs humbles et confiants de la vérité, qui savent que celle-ci leur est toujours à nouveau remise et qui ont confiance dans sa puissance. Des évêques conscients que, même lorsqu’il fera nuit et que le travail du jour les trouvera fatigués, dans le champ, les semences seront en train de germer. Des hommes patients, parce qu’ils savent que l’ivraie ne sera jamais envahissante au point de remplir le champ. Le cœur humain est fait pour le blé, c’est l’ennemi qui a jeté la mauvaise semence en cachette. Toutefois, le temps de l’ivraie est déjà irrévocablement fixé.
Je voudrais bien souligner cela : des hommes patients ! On dit que le cardinal Siri avait l’habitude de répéter : « Les vertus d’un évêque sont au nombre de cinq : la première la patience, la deuxième la patience, la troisième la patience, la quatrième la patience et la dernière la patience à l’égard de ceux qui nous invitent à avoir de la patience ».
Il faut donc plutôt s’engager sur la préparation du terrain, sur l’étendue des semailles. Agir comme des semeurs confiants, en évitant la peur de celui qui a l’illusion que la récolte ne dépend que de lui, ou l’attitude désespérée des élèves qui, ayant négligé de faire leurs devoirs, s’écrient que désormais il n’y a plus rien à faire.
7. Des évêques orants
Le même texte de Ac 6, 1-7 se réfère à la prière comme à l’une des deux tâches essentielles de l’évêque : « Cherchez plutôt parmi vous, frères, sept hommes de bonne réputation, remplis de l’Esprit et de sagesse, et nous les préposerons à cet office ; quant à nous, nous resterons assidus à la prière et au service de la parole » (vv. 3-4). J’ai parlé d’évêques kérygmatiques, à présent je signale l’autre caractéristique de l’identité de l’évêque : un homme de prière. Dans la prière, il doit avoir la même parresia que dans l’annonce de la Parole, il doit l’avoir dans la prière, car il traite avec Dieu notre Seigneur le bien de son peuple, le salut de son peuple. Etre courageux dans sa prière d’intercession comme Abraham, qui négociait avec Dieu le salut de ce peuple (cf. Gn 18, 22-33) ; comme Moïse, quand il se sentait impuissant pour guider le peuple (Nb 11, 10-15), quand le Seigneur est las de son peuple (cf. Nb 14, 10-19), ou quand il lui dit qu’il va détruire le peuple et qu’il lui promet de le nommer chef d’un autre peuple. Avoir ce courage de dire non, je ne négocie pas mon peuple, devant Lui ! (cf. Ex 32, 11-14.30.32). Un homme qui n’a pas le courage de discuter avec Dieu en faveur de son peuple ne peut pas être évêque — je dis cela du fond du cœur, j’en suis convaincu —, pas plus que celui qui n’est pas capable d’assumer la mission de conduire le peuple de Dieu jusqu’au lieu que Lui, le Seigneur, lui indique (cf. Ex 32, 33-34).
Et cela vaut aussi pour la patience apostolique : il doit avoir dans la prière la même hypomone qu’il doit exercer dans la prédication de la Parole (cf. 2 Co 6, 4). L’évêque doit être capable d’« entrer en patience » devant Dieu, en regardant et en se laissant regarder, en trouvant et en se laissant trouver, patiemment devant le Seigneur. Souvent en s’endormant devant le Seigneur, mais cela est bon, cela fait du bien !
Parresia et hypomone dans la prière forgent le cœur de l’évêque et l’accompagnent dans la parresia et l’hypomone qu’il doit avoir dans l’annonce de la Parole dans le kerigma. C’est ce que je comprends quand je lis le verset 4 du chapitre 6 des Actes des apôtres.
8. Des évêques pasteurs
Dans les paroles que j’ai adressées aux représentants pontificaux, j’ai ainsi tracé le profil des candidats à l’épiscopat : ils doivent être des pasteurs proches des personnes, « des pères et des frères, qu’ils soient doux, patients et miséricordieux ; qu’ils aiment la pauvreté, intérieure comme liberté pour le Seigneur et aussi extérieure, comme simplicité et austérité de vie, qu’ils n’aient pas une psychologie de “princes” ; ...qu’ils ne soient pas ambitieux et qu’ils ne recherchent pas l’épiscopat... qu’ils soient les époux d’une Église, sans être constamment à la recherche d’une autre — cela s’appelle adultère. Qu’ils soient capables de “surveiller” le troupeau qui leur sera confié, c’est-à-dire d’avoir soin de tout ce qui le garde uni ; capables de “veiller” pour le troupeau » (21 juin 2013).
Je répète que l’Église a besoin de pasteurs authentiques ; et je voudrais approfondir ce profil du pasteur. Reprenons le testament de l’apôtre Paul (cf. Ac 20, 17, 38). Il s’agit de l’unique discours prononcé par l’apôtre dans le livre des Actes qui est adressé aux chrétiens. Il ne parle pas à ses adversaires pharisiens, ni aux sages grecs, mais aux siens. Il nous parle. Il confie les pasteurs de l’Église « à la Parole de la grâce qui a le pouvoir d’édifier et d’accorder l’héritage ». Ils ne sont donc pas les maîtres de la Parole, mais ils sont remis à celle-ci, ce sont des serviteurs de la Parole. Ce n’est qu’ainsi qu’il est possible d’édifier et d’obtenir l’héritage des saints. À ceux qui se tourmentent avec la question sur leur héritage — « quel est le legs d’un évêque ? L’or ou l’argent ? » — Paul répond : la sainteté. L’Église demeure quand se répand la sainteté de Dieu dans ses membres. Quand du plus profond de son cœur, qui est la Très Sainte Trinité, cette sainteté jaillit et atteint tout le Corps. Il est nécessaire que l’onction s’écoule du haut jusqu’à l’ourlet du manteau. Un évêque ne pourrait jamais cesser de s’inquiéter que l’huile de l’Esprit de sainteté arrive bien jusqu’au dernier pan de l’habit de son Église.
Le Concile Vatican II affirme qu’aux évêques « la charge pastorale, c’est-à-dire le soin habituel et quotidien de leurs brebis, [leur] est pleinement remise » (Lumen gentium, n. 27). Il faut s’arrêter davantage sur ces deux qualificatifs du soin du troupeau : habituel et quotidien. À notre époque, l’habitude et la quotidienneté sont souvent associées à la routine et à l’ennui. C’est pourquoi on cherche assez souvent à s’échapper vers un « ailleurs » permanent. Cela est une tentation des pasteurs, de tous les pasteurs. Les pères spirituels doivent bien nous l’expliquer, afin que nous le comprenions et que nous n’en soyons pas victimes. Dans l’Église aussi, nous ne sommes malheureusement pas exempts de ce risque. C’est pourquoi il est important de réaffirmer que la mission de l’évêque exige l’assiduité et la quotidienneté. Je pense qu’en cette époque de rencontres et de congrès, le décret de résidence du Concile de Trente est très actuel : il est très actuel et il serait beau que la Congrégation pour les évêques écrive quelque chose à ce propos. Le troupeau a besoin de trouver sa place dans le cœur du pasteur. Si celui-ci n’est pas solidement ancré en lui-même, dans le Christ et dans son Église, il sera sans cesse ballotté par les vagues à la recherche de compensations éphémères et il n’offrira aucun abri au troupeau.
Conclusion
À la fin de mon discours, je me pose la question : où pouvons-nous trouver de tels hommes ? Cela n’est pas facile. Existent-ils ? Comment les sélectionner ? Je pense au prophète Samuel à la recherche du successeur de Saül (cf. 1 S 16, 11-13) qui demande au vieux Jessé : « En est-ce fini avec tes garçons ? », et apprenant que le petit David faisait paître le troupeau, il ordonne : « Envoie-le chercher ». Nous aussi nous ne pouvons manquer de scruter les champs de l’Église en cherchant qui présenter au Seigneur, pour qu’Il dise : « Donne-lui l’onction : c’est lui ! ». Je suis certain qu’ils existent, car le Seigneur n’abandonne pas son Église. Peut-être est-ce nous qui n’allons pas assez dans les champs pour les chercher. Peut-être avons-nous besoin de l’avertissement de Samuel : « Nous ne nous mettrons pas à table avant qu’il ne soit venu ici ». C’est de cette sainte inquiétude que je voudrais que vive cette Congrégation.

mercredi 26 février 2014

Ne pas oublier l’importance du Sacrement des malades

Audience Générale du Pape François.


Chers frères et sœurs, bonjour.
Aujourd’hui, je voudrais vous parler du sacrement de l’onction des malades, qui nous permet de toucher du doigt la compassion de Dieu pour l’homme. Par le passé, il était appelé « extrême onction », parce qu’il était entendu comme réconfort spirituel à l’approche imminente de la mort. Parler en revanche d’« onction des malades » nous aide à étendre le regard à l’expérience de la maladie et de la souffrance, dans l’horizon de la miséricorde de Dieu.
Il existe une icône biblique qui exprime dans toute sa profondeur le mystère qui transparaît dans l’onction des malades : c’est la parabole du « bon samaritain », dans l’Évangile de Luc (10, 30-35). Chaque fois que nous célébrons ce sacrement, le Seigneur Jésus, dans la personne du prêtre, se fait proche de celui qui souffre et qui est gravement malade ou âgé. La parabole dit que le bon samaritain prend soin de l’homme qui souffre en versant de l’huile et du vin sur ses blessures. L’huile nous fait penser à ce qui est béni par l’évêque chaque année, lors de la Messe chrismale du Jeudi Saint, précisément en vue de l’onction des malades. Le vin, en revanche, est le signe de l’amour et de la grâce du Christ qui jaillissent du don de sa vie pour nous et qui s’expriment dans toute leur richesse dans la vie sacramentelle de l’Église. Enfin, la personne qui souffre est confiée à un aubergiste, afin qu’il puisse continuer d’en prendre soin, sans épargner les dépenses. Or, qui est cet aubergiste ? C’est l’Église, la communauté chrétienne, c’est nous, auxquels le Seigneur Jésus confie chaque jour ceux qui sont atteints dans le corps et dans l’esprit, afin que nous puissions continuer à déverser sur eux, sans mesure, toute sa miséricorde et le salut.
Ce mandat est répété de façon explicite et précise dans la Lettre de Jacques, où l’on recommande : « L’un de vous est malade ? Qu’il appelle les Anciens en fonction dans l’Église : ils prieront sur lui après lui avoir fait une onction d’huile au nom du Seigneur. Cette prière inspirée par la foi sauvera le malade : le Seigneur le relèvera et, s’il a commis des péchés, il recevra le pardon » (5, 14-15). Il s’agit donc d’une pratique qui était déjà en cours au temps des apôtres. En effet, Jésus a enseigné à ses disciples à avoir la même prédilection pour les malades et pour les personnes qui souffrent et leur a transmis la capacité et le devoir de continuer à dispenser en son nom et selon son cœur soulagement et paix, à travers la grâce spéciale de ce sacrement. Cela ne doit pas nous faire tomber dans la recherche obsessionnelle du miracle ou dans la présomption de pouvoir obtenir toujours et de toute façon la guérison. Mais [ce sacrement nous offre] la certitude de la proximité de Jésus au malade et également à la personne âgée car chaque malade, chaque personne âgée de plus de 65 ans peut recevoir ce sacrement, à travers lequel c’est Jésus lui-même qui s’approche de nous.
Mais en présence d’un malade, on pense parfois : « appelons le prêtre pour qu’il vienne » ; « Non, cela portera malheur, ne l’appelons pas », ou encore « le malade va prendre peur ». Pourquoi pense-t-on cela ? Parce que l’on a un peu l’idée qu’après le prêtre arrivent les pompes funèbres. Et cela n’est pas vrai. Le prêtre vient pour aider le malade ou la personne âgée ; c’est pour cela que la visite des prêtres aux malades est si importante. Il faut appeler le prêtre au chevet du malade et dire : « venez, donnez-lui l’onction, bénissez-le ». C’est Jésus lui-même qui arrive pour soulager le malade, pour lui donner la force, pour lui donner l’espérance, pour l’aider ; et aussi pour lui pardonner ses péchés. Et cela est très beau ! Et il ne faut pas penser que cela est un tabou, car il est toujours beau de savoir qu’au moment de la douleur et de la maladie, nous ne sommes pas seuls : le prêtre et ceux qui sont présents au cours de l’onction des malades représentent en effet toute la communauté chrétienne qui, comme un unique corps, se rassemble autour de celui qui souffre et de sa famille, en nourrissant en eux la foi et l’espérance, et en les soutenant par la prière et la chaleur fraternelle. Mais le réconfort le plus grand découle du fait que dans le sacrement est présent le Seigneur Jésus lui-même, qui nous prend par la main, nous caresse comme il le faisait avec les malades et nous rappelle que désormais, nous lui appartenons et que rien — pas même le mal et la mort — ne pourra jamais nous séparer de Lui. Avons-nous l’habitude d’appeler le prêtre pour qu’il vienne et donne à nos malades — je ne parle pas des malades qui ont la grippe, pendant trois ou quatre jours, mais de ceux qui ont une maladie grave — et également à nos personnes âgées ce sacrement, ce réconfort, cette force de Jésus pour aller de l’avant ? Faisons-le !


Je vous salue bien cordialement chers amis de langue française, en particulier les séminaristes des Carmes, de Paris, les diocésains de Bourges et leur Évêque, les lycéens d’Athènes, ainsi que les paroisses et les jeunes venant de France.      
Je vous invite à ne pas oublier l’importance du Sacrement des malades. La mort et la maladie ne sont pas des tabous. N’hésitez pas à proposer ce sacrement aux personnes qui souffrent pour que Jésus leur donne sa consolation et sa paix.
Bon pèlerinage.

dimanche 23 février 2014

Le chemin de la sainteté, c'est la miséricorde

Homélie du Pape François prononcée lors de la Messe avec les nouveaux Cardinaux.

« Que ton aide, Père miséricordieux, nous rende toujours attentifs à la voix de l’Esprit »
Cette prière, prononcée au début de la Messe, nous appelle à une attitude fondamentale : l’écoute de l’Esprit Saint, qui vivifie l’Église et l’anime. Par sa force créatrice et rénovatrice, l’Esprit soutient toujours l’espérance du Peuple de Dieu en marche dans l’histoire, et soutient toujours, comme Paraclet, le témoignage des chrétiens. En ce moment, nous tous, avec les nouveaux Cardinaux, nous voulons écouter la voix de l’Esprit qui parle à travers les Écritures proclamées.
Dans la première Lecture a résonné l’appel du Seigneur à son peuple : « Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint » (Lv 19, 2). Et Jésus dans l’Évangile rappelle : « Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48). Ces paroles nous interpellent tous, disciples du Seigneur ; et aujourd’hui, elles sont adressées spécialement à moi et à vous, chers frères Cardinaux, d’une manière particulière à vous qui êtes entrés hier dans le Collège cardinalice. Imiter la sainteté et la perfection de Dieu peut sembler un but inaccessible. Cependant, la première Lecture et l’Évangile suggèrent des exemples concrets afin que le comportement de Dieu devienne la règle de notre agir. Mais rappelons-nous tous, rappelons-nous que sans l’Esprit Saint, notre effort serait vain ! La sainteté chrétienne n’est pas avant tout notre œuvre, mais elle est le fruit de la docilité – voulue et cultivée – à l’Esprit de Dieu trois fois Saint.
Le Lévitique dit : « Tu ne haïras pas ton frère dans ton cœur… Tu ne te vengeras pas et tu ne garderas pas de rancune… mais tu aimeras ton prochain… » (19, 17-18). Ces attitudes naissent de la sainteté de Dieu. Nous au contraire habituellement nous sommes si différents, si égoïstes et orgueilleux… pourtant la bonté et la beauté de Dieu nous attirent, et l’Esprit Saint peut nous purifier, il peut nous transformer, il peut nous modeler jour après jour. Faire ce travail de conversion, conversion du cœur, conversion que nous tous – spécialement vous Cardinaux, et moi – nous devons faire. Conversion !
Dans l’Évangile, Jésus aussi nous parle de la sainteté et nous explique la loi nouvelle, la sienne. Il le fait au moyen de quelques antithèses entre la justice imparfaite des scribes et des pharisiens et la justice supérieure du Royaume de Dieu. La première antithèse du passage d’aujourd’hui concerne la vengeance. « Vous avez appris qu’il a été dit : “Œil pour œil, dent pour dent”. Eh bien ! moi, je vous dis : … si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre » (Mt 5, 38-39). Non seulement nous ne devons pas rendre à l’autre le mal qu’il nous a fait, mais nous devons nous efforcer de faire le bien avec largesse.
La seconde antithèse fait référence aux ennemis : « Vous avez appris qu’il a été dit : “Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi”. Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent » (v. 43-44). À celui qui veut le suivre, Jésus demande d’aimer celui que ne le mérite pas, sans contrepartie, pour combler les vides d’amour qu’il y a dans les cœurs, dans les relations humaines, dans les familles, dans les communautés et dans le monde. Frères Cardinaux, Jésus n’est pas venu pour nous enseigner les bonnes manières, des manières de salon ! Pour cela il n’y avait pas besoin qu’il descende du ciel et meure sur la Croix. Le Christ est venu pour nous sauver, pour nous montrer le chemin, l’unique chemin de sortie des sables mouvants du péché, et ce chemin de sainteté c’est la miséricorde, chemin qu’il a fait et qu’il fait avec nous chaque jour. Être saints n’est pas un luxe, c’est nécessaire pour le salut du monde. C’est ce que le Seigneur nous demande.
Chers frères Cardinaux, le Seigneur Jésus et notre Mère l’Église nous demandent de témoigner avec beaucoup de zèle et d’ardeur de ces attitudes de sainteté. La sainteté d’un Cardinal consiste vraiment en ce supplément d’oblativité gratuite. Par conséquent, aimons ceux qui nous sont hostiles ; bénissons celui qui dit du mal de nous ; saluons d’un sourire celui qui peut-être ne le mérite pas ; n’aspirons pas à nous faire valoir, mais opposons la douceur à la tyrannie ; oublions les humiliations subies. Laissons-nous toujours guider par l’Esprit du Christ, qui s’est sacrifié lui-même sur la croix, pour que nous puissions être des “canaux” par lesquels s’écoule sa charité. C’est l’attitude, ce doit être la conduite d’un Cardinal. Le Cardinal – je le dis spécialement à vous  entre dans l’Église de Rome, frères, il n’entre pas dans une cour. Tous évitons et entraidons-nous pour éviter des habitudes et des comportements de cour : intrigues, bavardages, cercles, favoritismes, préférences. Que notre langage soit celui de l’Évangile : “oui, oui; non, non”; nos attitudes celles des Béatitudes, et notre route celle de la sainteté. Prions de nouveau : « Que ton aide, Père miséricordieux, nous rende toujours attentifs à la voix de l’Esprit ».
L’Esprit Saint nous parle aujourd’hui aussi à travers les paroles de saint Paul : « Vous êtes le temple de Dieu… le temple de Dieu est sacré, et ce temple c’est vous » (1 Co 3, 16-17). Dans ce temple que nous sommes se célèbre une liturgie existentielle : celle de la bonté, du pardon, du service, en un mot, la liturgie de l’amour. Notre temple est comme profané si nous négligeons nos devoirs envers le prochain. Quand dans notre cœur le plus petit de nos frères trouve place, c’est Dieu lui-même qui y trouve place. Quand ce frère est laissé dehors, c’est Dieu lui-même qui n’est pas accueilli. Un cœur vide d’amour est comme une église désaffectée, soustraite au service divin et destinée à un autre.
Chers frères Cardinaux, restons unis dans le Christ et entre nous ! Je vous demande de me demeurer proche, par la prière, le conseil, la collaboration. Et vous tous, évêques, prêtres, diacres, personnes consacrées et laïcs, unissez-vous dans l’invocation de l’Esprit Saint, afin que le Collège des Cardinaux soit toujours plus ardent de charité pastorale, davantage rempli de sainteté, pour servir l’Évangile et aider l’Église à rayonner l’amour du Christ dans le monde.

samedi 22 février 2014

Nous ne devrions pas avoir peur de la Croix

Homélie du Pape François au Consistoire ordinaire public pour la création de nouveaux cardinaux.


« Jésus marchait devant eux… » (Mc 10,32).
Jésus marche devant nous aussi, en ce moment. Il est toujours devant nous. Il nous précède et nous ouvre la voie… Et c’est notre confiance et notre joie : être ses disciples, demeurer avec lui, marcher derrière lui, le suivre…
Quand avec les Cardinaux, nous avons célébré ensemble la première Messe dans la Chapelle Sixtine, « marcher » a été la première parole que le Seigneur nous a proposée : marcher, et ensuite construire et confesser.
Aujourd’hui cette parole revient, mais comme un acte, comme l’action de Jésus qui continue : « Jésus marchait… ». Cela nous frappe dans les Évangiles : Jésus marche beaucoup, il instruit les siens au long du chemin. C’est important. Jésus n’est pas venu pour enseigner une philosophie, une idéologie… mais une « voie », une route à parcourir avec lui, et la route s’apprend en la faisant, en marchant. Oui, chers Frères, voilà notre joie : marcher avec Jésus.
Et ce n’est pas facile, ce n’est pas confortable, parce que la route que Jésus choisit est celle de la Croix. Alors qu’ils sont en chemin, il parle à ses disciples de ce qui va arriver à Jérusalem : il annonce sa Passion, sa mort et sa résurrection. Alors ils sont « stupéfaits » et « remplis de crainte ». Stupéfaits, bien sûr, parce que, pour eux, monter à Jérusalem voulait dire participer au triomphe du Messie, à sa victoire – on le voit ensuite dans la demande de Jacques et de Jean ; et remplis de crainte pour ce que Jésus allait devoir subir, et aussi pour ce que eux risquaient de subir.
À la différence des disciples d’alors, nous savons que Jésus a vaincu, et nous ne devrions pas avoir peur de la Croix ; bien plus, dans la Croix nous avons notre espérance. Cependant, nous sommes nous aussi humains, pécheurs, et nous sommes exposés à la tentation de penser à la manière des hommes et non de Dieu.
Et quand on pense à la manière du monde, quelle est la conséquence ? L’Évangile le dit : « Les dix autres se mirent à s’indigner contre Jacques et Jean » (v. 41). Ils s’indignent. Si la mentalité du monde prend le dessus, surgissent les rivalités, les jalousies, les factions…
Alors, cette parole que le Seigneur nous adresse aujourd’hui est très salutaire ! Elle nous purifie intérieurement, elle fait la lumière dans nos consciences, elle nous aide à nous mettre pleinement en accord avec Jésus, et à le faire ensemble, au moment où le Collège des Cardinaux s’agrandit par l’entrée de nouveaux membres.
« Jésus les appela près de lui… » (Mc 10, 42). Voici l’autre geste du Seigneur. Le long du chemin, il se rend compte qu’il y a besoin de parler aux Douze, il s’arrête et les appelle à lui. Frères, laissons le Seigneur Jésus nous appeler à lui ! Laissons-nous convoquer par lui. Et écoutons-le, dans la joie d’accueillir ensemble sa Parole, de nous laisser instruire par elle et par le Saint Esprit, pour devenir toujours plus un seul cœur et une seule âme, autour de lui.
Et alors que nous sommes ainsi convoqués, « appelés près de lui » par notre unique Maître, je vous dis ce dont l’Église a besoin : elle a besoin de vous, de votre collaboration, et plus encore de votre communion, avec moi et entre vous. L’Église a besoin de votre courage, pour annoncer l’Évangile en toute occasion, opportune ou inopportune, et pour rendre témoignage à la vérité. L’Église a besoin de votre prière pour le bon cheminement du troupeau du Christ, la prière – ne l’oublions pas ! ‑ qui, avec l’annonce de la Parole, est la première tâche de l’Évêque. L’Église a besoin de votre compassion surtout en ce moment de douleur et de souffrance dans de nombreux pays du monde. Exprimons ensemble notre proximité spirituelle à toutes les communautés ecclésiales, à tous les chrétiens qui souffrent de discriminations et de persécutions. Nous devons lutter contre toute discrimination ! L’Église a besoin de notre prière pour eux, afin qu’ils soient forts dans la foi et qu’ils sachent réagir au mal par le bien. Et notre prière s’étend à tout homme et à toute femme qui subit l’injustice à cause de ses convictions religieuses.
L’Église a besoin de nous aussi pour que nous soyons des hommes de paix et fassions la paix par nos œuvres, nos désirs, nos prières. Faire la paix ! Artisans de paix ! Pour cela invoquons la paix et la réconciliation pour les peuples qui en ces temps sont éprouvés par la violence, par l’exclusion et par la guerre.
Merci, Frères très chers ! Merci ! Marchons ensemble derrière le Seigneur, et laissons-nous toujours davantage convoquer par lui, au milieu du peuple fidèle, du saint peuple fidèle de Dieu, de la sainte Mère Église. Merci !

mercredi 19 février 2014

La santé est une valeur importante, mais elle ne détermine pas la valeur de la personne

Message envoyé par le pape François aux participants à l’Assemblée générale de l’Académie pontificale pour la vie, à l’occasion du vingtième anniversaire de son institution.
[...] J’adresse mes salutations cordiales à messieurs les cardinaux et à tous les participants à l’assemblée générale de l’Académie pontificale pour la vie en ce vingtième anniversaire de son institution. À cette occasion, notre pensée reconnaissante va au bienheureux Jean-Paul II, qui institua cette Académie, ainsi qu’aux présidents qui en ont promu l’activité et à tous ceux qui, partout dans le monde, collaborent à sa mission. La tâche spécifique de l’Académie, exprimée dans le Motu proprio Vitae mysterium, est d’« étudier, informer et former sur les principales problématiques de la biomédecine et du droit, relatives à la promotion et à la défense de la vie, surtout dans le rapport direct qu’ils entretiennent avec la morale chrétienne et les directives du Magistère de l’Église » (n. 4). De cette manière, vous vous proposez de faire connaître aux hommes de bonne volonté que la science et la technique, mises au service de la personne humaine et de ses droits fondamentaux, contribuent au bien intégral de la personne.
Les travaux que vous menez ces jours-ci ont pour thème : « Vieillissement et handicap ». C’est un thème de grande actualité, qui tient beaucoup à cœur à l’Église. En effet, dans nos sociétés, on constate une domination tyrannique d’une logique économique qui exclut et qui parfois tue, et dont aujourd’hui de très nombreuses personnes sont victimes, à commencer par nos personnes âgées. « Nous avons mis en route la culture du “déchet” qui est même promue. Il ne s’agit plus simplement du phénomène de l’exploitation et de l’oppression, mais de quelque chose de nouveau : avec l’exclusion est touchée, dans sa racine même, l’appartenance à la société dans laquelle on vit, du moment qu’en elle on ne se situe plus dans les bas-fonds, dans la périphérie, ou sans pouvoir, mais on est dehors. Les exclus ne sont pas des “exploités”, mais des déchets, “des restes” » (Evangelii gaudium, n. 53). La situation socio-démographique du vieillissement nous révèle clairement cette exclusion de la personne âgée, notamment si elle est malade, a un handicap ou est vulnérable pour tout autre raison. On oublie, en effet, trop souvent que les relations entre les hommes sont toujours des relations de dépendance réciproque, qui se manifeste à des degrés divers tout au long de la vie d’une personne et apparaît plus fortement dans les situations de vieillesse, de maladie, de handicap, de souffrance en général. Et cela exige que dans les relations interpersonnelles comme dans les relations communautaires, on offre l’aide nécessaire, pour tenter de répondre au besoin que la personne présente à ce moment-là. À la base des discriminations et des exclusions il y a toutefois une question anthropologique : combien un homme vaut-il et sur quoi cette valeur se base-t-elle ? La santé est assurément une valeur importante, mais elle ne détermine pas la valeur de la personne. La santé, en outre, n’est pas en soi une garantie de bonheur : celui-ci, en effet, peut exister également en présence d’une santé précaire. La plénitude à laquelle tend toute vie humaine n’est pas en contradiction avec une condition de maladie et de souffrance. Par conséquent, le manque de santé et le handicap ne sont jamais une bonne raison pour exclure ou, pire, pour éliminer une personne ; et la plus grave privation que subissent les personnes âgées n’est pas l’affaiblissement de l’organisme et le handicap qui peut en découler, mais l’abandon, l’exclusion, la privation d’amour.
La famille est, en revanche, une maîtresse d’accueil et de solidarité : c’est au sein de la famille que l’éducation se nourrit de manière substantielle des relations de solidarité ; dans la famille on peut apprendre que la perte de la santé n’est pas une raison pour discriminer une vie humaine ; la famille enseigne à ne pas tomber dans l’individualisme et à équilibrer le moi par le nous.
C’est là que « prendre soin » devient un fondement de l’existence humaine et une attitude morale à promouvoir, à travers les valeurs de l’engagement et de la solidarité. Le témoignage de la famille devient crucial devant toute la société pour reconfirmer l’importance de la personne âgée comme sujet d’une communauté, qui a sa mission à accomplir, et qui, seulement en apparence, reçoit sans rien offrir. « Chaque fois que nous cherchons à lire les signes des temps dans la réalité actuelle, il est opportun d’écouter les jeunes et les personnes âgées. Les deux sont l’espérance des peuples. Les personnes âgées apportent la mémoire et la sagesse de l’expérience, qui invite à ne pas répéter de façon stupide les mêmes erreurs que dans le passé » (ibid., n. 108).
Une société est véritablement accueillante à l’égard de la vie quand elle reconnaît qu’elle est précieuse même avec l’âge, dans le handicap, dans la maladie grave et même au moment de s’éteindre ; quand elle enseigne que l’appel à la réalisation humaine n’exclut pas la souffrance mais enseigne même à voir chez la personne malade et souffrante un don pour toute la communauté, une présence qui appelle à la solidarité et à la responsabilité. C’est cela l’Évangile de la vie qu’à travers votre compétence scientifique et professionnelle et soutenus par la Grâce, vous êtes appelés à diffuser.
Chers amis, je bénis le travail de l’Académie pour la vie, souvent difficile parce qu’il requiert d’aller à contre-courant, toujours précieux parce qu’attentif à conjuguer rigueur scientifique et respect pour la personne humaine. C’est ce que j’ai pu constater en prenant connaissance de vos activités et de vos publications ; je vous souhaite de conserver ce même esprit dans l’avenir de votre service à l’Église et à toute la famille humaine. Que le Seigneur vous bénisse et que la Vierge vous protège toujours.

Il ne faut pas avoir peur de la confession!

Audience Générale du Pape François.

Chers frères et sœurs, bonjour !
À travers les sacrements de l’initiation chrétienne, le baptême, la confirmation et l’Eucharistie, l’homme reçoit la vie nouvelle dans le Christ. Or, nous le savons tous, nous portons cette vie « dans des vases d’argile » (2 Co 4, 7), nous sommes encore soumis à la tentation, à la souffrance, à la mort et, à cause du péché, nous pouvons même perdre la vie nouvelle. C’est pourquoi le Seigneur Jésus a voulu que l’Église continue son œuvre de salut également à l’égard de ses propres membres, en particulier avec le sacrement de la réconciliation et celui de l’onction des malades, qui peuvent être réunis sous le nom de « sacrements de guérison ». Le sacrement de la réconciliation est un sacrement de guérison. Lorsque je vais me confesser c’est pour me guérir, me guérir l’âme, me guérir le cœur et quelque chose que j’ai fait qui ne va pas bien. L’icône biblique qui les exprime au mieux, dans leur lien profond, est l’épisode du pardon et de la guérison du paralytique, où le Seigneur Jésus se révèle à la fois médecin des âmes et des corps (cf. Mc 2, 1-12 ; Mt 9, 1-8 ; Lc 5, 17-26).
1. Le sacrement de la pénitence et de la réconciliation naît directement du mystère pascal. En effet, le soir même de Pâques, le Seigneur apparut aux disciples, enfermés au cénacle, et, après leur avoir adressé son salut « Paix à vous ! », il souffla sur eux et dit : « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis » (Jn 20, 21-23). Ce passage nous révèle la dynamique la plus profonde qui est contenue dans ce sacrement. Tout d’abord le fait que le pardon de nos péchés n’est pas quelque chose que nous pouvons nous donner nous-mêmes. Moi, je ne peux pas dire : je me pardonne mes péchés. Le pardon se demande, il se demande à un autre et dans la confession nous demandons le pardon à Jésus. Le pardon n’est pas le fruit de nos efforts, mais c’est un cadeau, c’est un don de l’Esprit Saint, qui nous comble de la fontaine de miséricorde et de grâce qui jaillit sans cesse du cœur grand ouvert du Christ crucifié et ressuscité. En second lieu, il nous rappelle que ce n’est que si nous nous laissons réconcilier dans le Seigneur Jésus avec le Père et avec nos frères que nous pouvons être vraiment dans la paix. Et cela, nous l’avons tous ressenti dans le cœur quand nous allons nous confesser, avec un poids sur l’âme, un peu de tristesse ; et quand nous recevons le pardon de Jésus nous sommes en paix, avec cette paix de l’âme si belle que seul Jésus peut donner, seulement Lui.
2. Au cours du temps, la célébration de ce sacrement est passée d’une forme publique — car au début elle était faite publiquement — à une forme personnelle, à la forme réservée de la confession. Mais cela ne doit pas faire perdre l’empreinte ecclésiale, qui constitue le contexte vital. En effet, c’est la communauté chrétienne qui est le lieu dans lequel se rend présent l’Esprit, qui renouvelle les cœurs dans l’amour de Dieu et fait de tous les frères une seule chose, en Jésus Christ. Voilà alors pourquoi il ne suffit pas de demander pardon au Seigneur dans son propre esprit et dans son cœur, mais il est nécessaire de confesser humblement et avec confiance ses propres péchés au ministre de l’Église. Dans la célébration de ce sacrement, le prêtre ne représente pas seulement Dieu, mais toute la communauté, qui se reconnaît dans la fragilité de chacun de ses membres, qui écoute avec émotion son repentir, qui se réconcilie avec lui, qui le réconforte et l’accompagne sur le chemin de conversion et de maturation humaine et chrétienne. Quelqu’un peut dire : je ne me confesse qu’à Dieu. Oui, tu peux dire à Dieu « pardonne-moi », et dire tes péchés, mais nos péchés sont aussi contre nos frères, contre l’Église. C’est pourquoi il est nécessaire de demander pardon à l’Église, à nos frères, en la personne du prêtre. « Mais père, j’ai honte... ». La honte aussi est une bonne chose, il est bon d’avoir un peu honte, car avoir honte est salutaire. Quand une personne n’a pas honte, dans mon pays nous disons qu’elle est « sans vergogne » : une « sin verguenza ». Mais la honte aussi fait du bien, parce qu’elle nous rend plus humbles, et le prêtre reçoit avec amour et avec tendresse cette confession et, au nom de Dieu, il pardonne. Également du point de vue humain, pour se libérer, il est bon de parler avec son frère et de dire au prêtre ces choses, qui sont si lourdes dans mon cœur. Et la personne sent qu’elle se libère devant Dieu, avec l’Église, avec son frère. Il ne faut pas avoir peur de la confession! Quand quelqu’un fait la queue pour se confesser, il ressent toutes ces choses, même la honte, mais ensuite quand la confession se termine, il sort libre, grand, beau, pardonné, blanc, heureux. C’est ce qui est beau dans la confession ! Je voudrais vous demander — mais ne le dites pas à haute voix, que chacun se réponde dans son cœur : quand t’es-tu confessé, quand t’es-tu confessée pour la dernière fois ? Que chacun y pense... Cela fait deux jours, deux semaines, deux ans, vingt ans, quarante ans ? Que chacun fasse le compte, mais que chacun se dise : quand est-ce que je me suis confessé la dernière fois ? Et si beaucoup de temps s’est écoulé, ne perds pas un jour de plus, va, le prêtre sera bon. Jésus est là, et Jésus est plus bon que les prêtres, Jésus te reçoit, il te reçoit avec tant d’amour. Sois courageux et va te confesser !
3. Chers amis, célébrer le sacrement de la réconciliation signifie être enveloppés par une étreinte chaleureuse : c’est l’étreinte de la miséricorde infinie du Père. Rappelons cette belle parabole du fils qui est parti de chez lui avec l’argent de son héritage ; il a gaspillé tout son argent et ensuite, quand il n’avait plus rien, il a décidé de revenir chez lui, non comme un fils, mais comme un serviteur. Il ressentait profondément sa faute dans son cœur et tant de honte. La surprise a été que quand il commença à parler, à demander pardon, son père ne le laissa pas parler, il l’embrassa et fit la fête. Quant à moi je vous dis : chaque fois que nous nous confessons, Dieu nous embrasse, Dieu fait la fête ! Allons de l’avant sur cette route. Que Dieu vous bénisse !
* * *
Chers amis de langue française, je suis heureux de vous accueillir ce matin. Je salue particulièrement les prêtres de Meaux, les séminaristes de Bayonne, les pèlerins de Québec et de Côte d’Ivoire, ainsi que les nombreux jeunes. En recevant le Sacrement de la Réconciliation, laissez-vous saisir par l’infinie miséricorde du Père, qui vous communique toute sa joie de vous avoir retrouvés et de vous accueillir de nouveau. Bon séjour à Rome !
J’adresse un salut cordial aux pèlerins de langue arabe, en particulier à ceux provenant du Moyen-Orient! Dieu est un Père qui nous attend toujours, et son cœur est en fête pour chaque fils qui revient. N’ayons pas peur d’aller à Lui et de nous laisser pardonner et embrasser par sa miséricorde!

dimanche 16 février 2014

Eviter les médisances pour devenir saint!

Paroles du Pape François avant l'Angelus.

Chers frères et sœurs, bonjour !

L’Évangile de ce dimanche fait encore partie de ce qu’on appelle le « discours de la montagne », la première grande prédication de Jésus. Aujourd’hui, le thème est l’attitude de Jésus à l’égard de la loi juive. Il affirme : « Ne pensez pas que je suis venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir » (Mt 5, 17). Jésus ne veut donc pas supprimer les commandements que le Seigneur a donnés par Moïse, mais il veut les porter à leur plénitude. Et il ajoute tout de suite après que “l’accomplissement” de la Loi demande une justice supérieure, une observance plus authentique. Il dit en effet à ses disciples : « Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux » (Mt 5, 20).

Mais que signifie ce « plein accomplissement » de la Loi ? Et cette justice supérieure, en quoi consiste-t-elle ? Jésus lui-même nous répond avec quelques exemples. Jésus était concret, il parlait toujours avec des exemples pour se faire comprendre. Il commence par le cinquième commandement du décalogue : « Vous avez appris qu'il a été dit aux anciens : “Tu ne commettras pas de meurtre”... Eh bien moi, je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère en répondra au tribunal » (vv. 21-22). Par là, Jésus nous rappelle que les paroles aussi peuvent tuer ! Quand on dit d’une personne qu’elle a une langue de vipère, que veut-on dire ? Que ses paroles tuent ! Par conséquent, non seulement il ne faut pas attenter à la vie du prochain, mais il ne faut pas non plus déverser sur lui le poison de la colère ni le frapper de la calomnie. Ni dire du mal de lui. Nous arrivons aux médisances : les médisances, aussi, peuvent tuer, car elles tuent la renommée des personnes ! Il est si laid de médire ! Au début, cela peut sembler une chose agréable, même plaisante, comme sucer un bonbon. Mais à la fin, cela nous remplit le cœur d’amertume, et nous empoisonne nous aussi. Je vous dis la vérité, je suis convaincu que si chacun de nous prenait la résolution d’éviter les médisances, à la fin il deviendrait saint ! C’est une belle route ! Voulons-nous devenir saints ? Oui ou non ? [les fidèles: Oui!] Voulons-nous vivre attachés aux médisances comme à une habitude ? Oui ou non ? [les fidèles: Non !] Alors nous sommes d’accord : pas de médisances! Jésus propose à celui qui le suit la perfection de l’amour : un amour dont l’unique mesure est de ne pas avoir de mesure, d’aller au-delà des calculs. L’amour du prochain est une attitude tellement fondamentale que Jésus va jusqu’à affirmer que notre rapport avec Dieu ne peut être sincère si nous ne voulons pas faire la paix avec le prochain. Il a dit ainsi : « Donc, lorsque tu vas présenter ton offrande sur l'autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande là, devant l'autel, va d'abord te réconcilier avec ton frère » (vv. 23-24). C’est pourquoi nous sommes appelés à nous réconcilier avec nos frères avant de manifester notre dévotion au Seigneur dans la prière.

De tout cela, on comprend que Jésus ne donne pas d’importance à l’observance disciplinaire et à la conduite extérieure seules. Il va à la racine de la Loi, visant surtout l’intention, c’est-à-dire le cœur de l’homme, où prennent leurs origines nos actions bonnes ou mauvaises. Pour obtenir des comportements bons et honnêtes, les règles juridiques ne suffisent pas, mais il faut des motivations profondes, expression d’une sagesse cachée, la Sagesse de Dieu, qui peut être accueillie grâce à l’Esprit Saint. Et nous, par la foi en Christ, nous pouvons nous ouvrir à l’action de l’Esprit, qui nous rend capables de vivre l’amour divin.

À la lumière de cet enseignement, chaque précepte révèle sa pleine signification comme exigence d’amour, et tous se rejoignent dans le plus grand commandement : aime Dieu de tout ton cœur et aime ton prochain comme toi-même.

vendredi 14 février 2014

Audience du Pape François avec des couples fiancés en la Saint Valentin

Est-il possible de s'aimer pour toujours?

Dialogue du pape avec trois couples de fiancés à l'occasion de sa rencontre avec quelque 25.000 fiancés se préparant au mariage, en provenance du monde entier, place Saint-Pierre, pour la Saint-Valentin.


La peur du « pour toujours »

Question de Nicolas et Marie Alexia, jeunes fiancés provenant de Gibraltar : Votre Sainteté, nombreux sont ceux qui pensent, aujourd’hui, que se promettre fidélité pour toute la vie est une entreprise trop difficile ; beaucoup pensent que vivre ensemble est un beau défi, fascinant, mais trop exigeant, presque impossible. Nous vous demandons votre sentiment pour nous éclairer sur ce point.

Réponse du Pape : Je vous remercie pour votre témoignage et pour cette question. Je vais vous expliquer : ils m’ont envoyé leurs questions à l’avance… C’est compréhensible… Et comme cela, j’ai pu réfléchir et penser à une réponse un peu plus solide.

Il est important de se demander s’il est possible de s’aimer « pour toujours ». C’est une question qu’il faut se poser : est-il possible de s’aimer « pour toujours » ? Aujourd’hui, beaucoup de personnes ont peur de faire des choix définitifs. Un garçon disait à son évêque : « Je veux être prêtre, mais seulement pour dix ans ». Il avait peur de faire un choix définitif. Mais c’est une peur généralisée, propre à notre culture. Faire des choix pour toute la vie semble impossible. Aujourd’hui, tout change rapidement, rien ne dure longtemps. Et cette mentalité pousse beaucoup de ceux qui se préparent au mariage à dire : « On reste ensemble tant que dure l’amour », et ensuite ? Au revoir et à bientôt… Et le mariage se termine comme cela. Mais qu’est-ce que nous entendons par « amour » ? Seulement un sentiment, un état psycho-physique ? Bien sûr, si c’est cela, on ne peut pas se construire sur quelque chose de solide. Mais si, en fait, l’amour est une relation, alors c’est une réalité qui grandit, et nous pouvons dire, par analogie, qu’elle se construit comme une maison. Et on construit la maison ensemble, pas tout seul ! Construire, ici, signifie favoriser et aider la croissance. Chers fiancés, vous êtes en train de vous préparer à grandir ensemble, à construire cette maison, pour vivre ensemble pour toujours. Vous ne voulez pas la fonder sur le sable des sentiments qui vont et viennent, mais sur le roc de l’amour vrai, l’amour qui vient de Dieu. La famille naît de ce projet d’amour qui veut grandir comme on construit une maison pour qu’elle soit un lieu d’affection, d’aide, d’espérance, de soutien. De même que l’amour de Dieu est stable et pour toujours, ainsi nous voulons aussi que l’amour qui fonde la famille soit stable et pour toujours. S’il vous plaît, nous ne devons pas nous laisser vaincre par « la culture du provisoire » ! Cette culture qui, aujourd’hui, nous envahit tous, cette culture du provisoire. Cela ne va pas !

Alors, comment peut-on soigner cette peur du « pour toujours » ? On la soigne jour après jour, en se confiant au Seigneur Jésus dans une vie qui devient un chemin spirituel quotidien, fait de pas, des petits pas, des pas de croissance commune, fait d’engagement à devenir des femmes et des hommes mûrs dans la foi. Parce que, chers fiancés, ce « pour toujours » n’est pas simplement une question de durée ! Un mariage n’est pas réussi seulement s’il dure, mais c’est sa qualité qui est importante. Le défi des époux chrétiens est d’être ensemble et de savoir s’aimer pour toujours. Il me vient à l’esprit le miracle de la multiplication des pains ; pour vous aussi, le Seigneur peut multiplier votre amour et vous le rendre frais et bon chaque jour. Il en a une réserve infinie ! C’est lui qui vous donne l’amour qui est le fondement de votre union et il le renouvelle, il le fortifie chaque jour. Et il le rend encore plus grand lorsque la famille s’agrandit avec les enfants. Sur ce chemin, la prière est importante, elle est nécessaire, toujours. Lui pour elle, elle pour lui et tous les deux ensemble. Demandez à Jésus de multiplier votre amour. Dans la prière du Notre Père, nous disons : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ». Les époux peuvent apprendre aussi à prier ainsi : « Seigneur, donne-nous aujourd’hui notre amour de ce jour », parce que l’amour quotidien des époux est le pain, le vrai pain de l’âme, celui qui les soutient pour qu’ils puissent avancer. Et la prière : pouvons-nous faire un essai pour voir si nous savons la réciter ? « Seigneur, donne-nous aujourd’hui notre amour de ce jour ». Tous ensemble ! [les fiancés : Seigneur, donne-nous aujourd’hui notre amour de ce jour]. Encore une fois ! [les fiancés : Seigneur, donne-nous aujourd’hui notre amour de ce jour]. Voilà la prière des fiancés et des époux. Apprends-nous à nous aimer, à nous aimer vraiment ! Plus vous vous confierez à Lui, plus votre amour sera « pour toujours », capable de se renouveler, et il vaincra toute difficulté. Voilà ce que je voulais vous dire, en réponse à votre question. Merci !

Vivre ensemble : le mariage un « style de vie »

Question de Stefano et Valentina : Votre Sainteté, il est beau de vivre ensemble tous les jours, cela donne de la joie, c’est un soutien. Mais c’est un défi à relever. Nous croyons qu’aimer s’apprend. Il y a un « style de vie » du couple, une spiritualité du quotidien, que nous voulons apprendre. Saint-Père, pouvez-vous nous y aider ?

Réponse du Pape : Vivre ensemble est un art, un cheminement patient, beau et fascinant. Cela ne se termine pas une fois que vous vous êtes conquis l’un l’autre… Au contraire, c’est justement à ce moment que ça commence ! Ce cheminement de chaque jour a des règles que l’on peut résumer dans ces trois mots que tu as dits, des mots que j’ai répétés souvent aux familles : S'il te plaît, c’est-à-dire « je peux ? », comme tu as dit, merci et pardon.

« Je peux, tu permets ? ». C’est une façon gentille de demander d’entrer dans la vie de quelqu’un d’autre, avec respect et attention. Il faut apprendre à demander : je peux faire cela ? Tu aimes bien que nous fassions cela ? Que nous prenions cette initiative, que nous éduquions nos enfants comme cela ? Tu veux que nous sortions ce soir ?... En somme, demander la permission signifie savoir entrer avec courtoisie dans la vie des autres. Mais écoutez bien cela : savoir entrer avec courtoisie dans la vie des autres. Et ce n’est pas facile, ce n’est pas facile. Parfois, au contraire, on a des manières un peu lourdes, comme avec des chaussures de montagne ! L’amour vrai ne s’impose pas par la dureté et l’agressivité. Dans les Fioretti de saint François, on trouve cette expression : « Sache que la courtoisie est une des propriétés de Dieu… et la courtoisie est la sœur de la charité, qui éteint la haine et conserve l’amour » (Chap. 37). Oui, la courtoisie conserve l’amour. Et aujourd’hui, dans nos familles, dans notre monde, souvent violent et arrogant, il faut beaucoup plus de courtoisie. Et cela peut commencer à la maison.

« Merci ». Il semble qu’il soit facile de prononcer ce mot, mais nous savons que ce n’est pas le cas. Pourtant, c’est important ! Nous l’enseignons aux enfants, mais ensuite, nous l’oublions ! La gratitude est un sentiment important : vous vous rappelez de l’Evangile de Luc ? Une fois, à Buenos Aires, une personne âgée m’a dit : « La gratitude est une fleur qui pousse sur une terre noble ». La noblesse d’âme est nécessaire pour que pousse cette fleur. Vous vous souvenez de l’Evangile de Luc ? Jésus guérit dix malades de la lèpre, et ensuite un seul revient dire merci à Jésus. Et le Seigneur dit : « et les neuf autres, où sont-ils ? ». Cela vaut pour nous aussi : savons-nous remercier ? Dans votre relation, et demain dans la vie de mariage, il est important de garder une conscience vive que l’autre personne est un don de Dieu et on dit merci pour les cadeaux de Dieu ! Se dire merci, réciproquement, pour tout, dans cette attitude intérieure. Ce n’est pas un mot gentil qu’on utilise avec les étrangers, pour être bien élevé. Il faut savoir se dire merci, pour avancer ensemble dans la vie matrimoniale.

Le troisième : « Pardon ». Dans la vie, nous nous trompons souvent, nous faisons tant d’erreurs. Nous en faisons tous. Mais peut-être qu’ici, il y a des personnes qui n’ont jamais fait d’erreur ? S’il y a quelqu’un, ici, qu’il lève la main ! Il y a quelqu’un qui n’a jamais fait d’erreur ? Nous en faisons tous, tous. Il n’y a peut-être pas une journée sans que nous ne fassions des erreurs. La Bible dit que le plus juste pèche sept fois par jour. Et donc nous faisons des erreurs… D’où la nécessité d’utiliser ce mot simple : « pardon ». En général, chacun de nous est prêt à accuser l’autre et à se justifier. Cela a commencé avec notre père Adam, quand Dieu lui a demandé : « Adam, tu as mangé de ce fruit ? ». « Moi ? non ! C’est elle qui me l’a donné ! ». Accuser l’autre pour ne pas dire « pardon », « excuse-moi ». C’est une histoire ancienne ! C’est un instinct qui est à la source de tant de désastres. Apprenons à reconnaître nos erreurs et à demander pardon. « Pardon si, aujourd’hui, j’ai haussé le ton », « pardon si je suis passé sans te saluer », « pardon si je suis rentré tard », « si cette semaine, j’ai été si silencieux », « si j’ai trop parlé sans jamais écouter », « pardon, j’ai oublié », « pardon, j’étais en colère et je m’en suis pris à toi »… Tous ces « pardons », nous pouvons les dire tous les jours. C’est aussi de cette façon que grandit une famille chrétienne. Nous savons tous que la famille parfaite n’existe pas, ni le mari parfait, ni la femme parfaite. Sans parler de la belle-mère parfaite... Nous existons et nous sommes pécheurs. Jésus, qui nous connaît bien, nous enseigne un secret : ne jamais terminer la journée sans se demander pardon, sans que la paix ne soit revenue dans votre maison, dans votre famille. C’est normal de se disputer entre époux, il y a toujours quelque chose, on s’est disputé… Peut-être que vous vous êtes mis en colère, peut-être qu’une assiette a volé, mais s’il vous plaît, rappelez-vous ceci : ne jamais finir la journée sans faire la paix ! Jamais, jamais, jamais ! C’est un secret, un secret pour conserver l’amour et pour faire la paix. Il n’est pas nécessaire de faire de grands discours… Parfois, un simple geste et… la paix est faite. Ne jamais terminer… parce que si tu termines la journée sans faire la paix, ce que tu as au fond de toi, le lendemain, c’est froid et dur et il est plus difficile de faire la paix. Souvenez-vous bien de cela : ne jamais finir la journée sans faire la paix ! Si nous apprenons à nous demander pardon et à nous pardonner mutuellement, le mariage durera, il avancera. Lorsque des couples mariés depuis longtemps viennent aux audiences, ou à la Messe ici à Sainte-Marthe, des couples qui fêtent leur cinquantième anniversaire, je leur demande : « Qui a supporté qui ? ». C’est beau ! Ils se regardent tous, ils me regardent et ils me disent « Tous les deux ! ». Et ça, c’est beau ! C’est un beau témoignage.

Le style de la célébration du mariage

Question posée par Miriam et Marco, deux jeunes fiancés de Massa Carrara : Votre Sainteté, ces mois-ci, nous sommes dans les nombreux préparatifs de notre mariage. Pouvez-vous nous donner quelques conseils pour bien célébrer notre mariage ?

Réponse du Pape : Faites en sorte que ce soit une véritable fête — parce que le mariage est une fête — une fête chrétienne, pas une fête mondaine ! La raison la plus profonde de la joie de ce jour nous est donnée par l’Evangile de Jean : vous vous souvenez du miracle des noces de Cana ? À un moment, le vin vient à manquer et la fête semble gâchée. Vous imaginez finir la fête en buvant du thé ? Non, ce n’est pas possible ! Sans vin, ce n’est pas une fête ! Sur la suggestion de Marie, à ce moment-là, Jésus se révèle pour la première fois et il donne un signe : il transforme l’eau en vin et, en faisant cela, il sauve la fête des noces. Ce qui s’est passé à Cana il y a deux mille ans se reproduit en réalité à chaque mariage : ce qui rendra votre mariage plein et profondément vrai sera la présence du Seigneur qui se révèle et qui donne sa grâce. C’est sa présence qui offre le « bon vin », c’est lui le secret de la joie pleine, celle qui réchauffe vraiment le cœur. C’est la présence de Jésus à cette fête. Que ce soit une belle fête, mais avec Jésus ! Pas dans l’esprit du monde, non ! On le sent, quand le Seigneur est là.

Mais en même temps, c’est bien que votre mariage soit sobre et mette en relief ce qui est vraiment important. Certaines personnes se préoccupent davantage des signes extérieurs, du banquet, des photos, des vêtements et des fleurs… Ce sont des choses importantes dans une fête, mais seulement si elles sont capables d’indiquer le véritable motif de votre joie : la bénédiction de votre amour par le Seigneur. Faites en sorte que, comme le vin de Cana, les signes extérieurs de votre fête révèlent la présence du Seigneur et vous rappellent à vous-mêmes et à tous, la source et le motif de votre joie.

Mais tu as dit quelque chose que je veux saisir au vol, parce que je ne veux pas le laisser passer. Le mariage est aussi un travail de tous les jours, je pourrais dire un travail artisanal, un travail de joaillerie, parce que le mari a la tâche de rendre son épouse plus femme et la femme a celle de rendre son mari plus homme. Grandir aussi en humanité, comme homme et comme femme. Et c’est entre vous que cela se fait. C’est ce qui s’appelle grandir ensemble. Cela ne tombe pas du ciel ! Le Seigneur le bénit, mais cela vient de nos mains, de vos comportements, de votre mode de vie, de votre manière de vous aimer. Nous faire grandir ! Faire toujours en sorte que l’autre grandisse. Travailler à cela. Et comme cela, je ne sais pas, je pense à toi : un jour tu seras dans la rue, dans la ville où tu habites, et les gens diront : « Regarde, quelle belle femme, comme elle est forte !... Avec le mari qu’elle a, c’est compréhensible ! » Et aussi, à toi : « Regarde celui-là, comment il est !... Avec la femme qu’il a, c’est compréhensible ! ». C’est cela, parvenir à cela : nous faire grandir ensemble, l’un l’autre. Et vos enfants hériteront de cela, d’avoir eu un papa et une maman qui ont grandi ensemble, se rendant mutuellement davantage homme et femme !