vendredi 31 mai 2013

Marie, la femme de l'écoute, de la décision et de l'action

Discours du Pape François prononcé lors de la récitation du chapelet en conclusion du mois marial.


Chers frères et sœurs,

Ce soir nous avons prié ensemble avec le Saint Rosaire ; nous avons reparcouru plusieurs événements du chemin de Jésus, de notre salut et nous l’avons fait avec Celle qui est notre Mère, Marie, Celle qui nous guide d’une main sûre vers son Fils Jésus. Marie nous guide toujours vers Jésus.

Aujourd’hui, nous célébrons la fête de la Visitation de la Vierge Marie à sa parente Élisabeth. Je voudrais méditer avec vous sur ce mystère qui montre comment Marie affronte le chemin de sa vie, avec un grand réalisme, humanité, sens du concret.

Trois mots résument l’attitude de Marie : écoute, décision, action. Des mots qui indiquent une voie pour nous aussi, face à ce que le Seigneur nous demande dans la vie. Écoute, décision, action.

Écoute. D’où naît le geste de Marie d’aller chez sa parente Élisabeth ? D’une parole de l’Ange de Dieu : « Et voici qu’Élisabeth, ta parente, vient, elle aussi, de concevoir un fils dans sa vieillesse... » (Lc 1, 36). Marie sait écouter Dieu. Attention : ce n’est pas simplement « entendre », entendre de manière superficielle, mais c’est une « écoute » faite d’attention, d’accueil, de disponibilité envers Dieu. Ce n’est pas la manière distraite avec laquelle nous nous présentons parfois face au Seigneur ou aux autres : nous entendons les paroles, mais nous n’écoutons pas vraiment. Marie est attentive à Dieu, elle écoute Dieu.

Mais Marie écoute aussi les faits, c’est-à-dire qu’elle lit les événements de sa vie, elle est attentive à la réalité concrète et ne s’arrête pas à la surface, mais elle va en profondeur, pour en saisir la signification. Sa parente Élisabeth, qui est déjà âgée, attend un enfant : voilà le fait. Mais Marie est attentive à la signification, elle sait la saisir : « Rien n’est impossible à Dieu » (Lc 1, 37).

Cela vaut également pour notre vie : l’écoute de Dieu qui nous parle, et également l’écoute de la réalité quotidienne, l’attention aux personnes, aux faits car le Seigneur se tient à la porte de notre vie et frappe de plusieurs manières, il place des signes sur notre chemin ; il nous donne la capacité de les voir. Marie est la mère de l’écoute, une écoute attentive de Dieu et une écoute tout aussi attentive des événements de la vie.

Le deuxième mot : décision. Marie ne vit pas « en hâte », en s’essoufflant, mais, comme le souligne saint Luc, « elle méditait toutes ces choses dans son cœur » (cf. Lc 2, 19.51). Et également au moment décisif de l’Annonciation de l’Ange, elle demande : « Comment cela sera-t-il ? » (Lc 1, 34). Mais elle ne s’arrête pas non plus au moment de la réflexion ; elle accomplit un pas en avant : elle décide. Elle ne vit pas en hâte, mais uniquement quand cela est nécessaire « elle se hâte ». Marie ne se laisse pas entraîner par les événements, elle n’évite pas la difficulté de la décision. Et cela a lieu aussi bien pour le choix fondamental qui changera sa vie : « Me voici, je suis la servante du Seigneur... » (cf. Lc 1, 38), que dans les choix plus quotidiens, mais eux aussi riches de signification. L’épisode des noces de Cana me vient à l’esprit (cf. Jn 2, 1-11) : ici aussi on voit le réalisme, l’humanité, le sens concret de Marie, qui est attentive aux faits, aux problèmes ; elle vit et elle comprend la difficulté de ces deux jeunes époux à qui vient à manquer le vin de la fête, elle réfléchit et sait que Jésus peut faire quelque chose, et elle décide de s’adresser à son Fils pour qu’il intervienne : « Ils n’ont plus de vin » (cf. v. 3). Elle décide.

Dans la vie, il est difficile de prendre des décisions, nous tendons souvent à les renvoyer, à laisser les autres décider à notre place, nous préférons souvent nous laisser entraîner par les événements, suivre la mode du moment. Parfois nous savons ce que nous devons faire, mais nous n’en avons pas le courage ou cela nous paraît trop difficile car cela signifie aller à contre-courant. Marie, dans l’Annonciation, dans la Visitation, aux noces de Cana va à contre-courant ; elle se met à l’écoute de Dieu, elle réfléchit et cherche à comprendre la réalité, et elle décide de se remettre totalement à Dieu, elle décide de rendre visite, bien qu’étant enceinte, à sa parente âgée, elle décide de s’en remettre à son Fils avec insistance pour sauver la joie des noces.

Le troisième mot : action. Marie se mit en voyage et « se rendit en hâte... » (cf. Lc 1, 39). Dimanche dernier, j’ai souligné cette manière de faire de Marie : malgré les difficultés, les critiques qu’elle aura reçu devant sa décision de partir, elle ne s’arrête devant rien. Et ici elle part « en hâte ». Dans la prière, devant Dieu qui parle, en réfléchissant et en méditant sur les faits de sa vie, Marie n’est pas pressée, elle ne se laisse pas prendre par le moment. Mais quand elle voit clairement ce que Dieu lui demande, ce qu’elle doit faire, elle ne perd pas de temps, elle ne tarde pas, mais elle part « en hâte ». Saint Ambroise commente : « La grâce du Saint-Esprit ne comporte pas de lenteurs » (Expos. Evang. sec. Lucam, II, 19 : pl, 1560). L’action de Marie est une conséquence de son obéissance aux paroles de l’Ange, mais unie à la charité : elle va chez Élisabeth pour se rendre utile ; et en sortant de chez elle, d’elle-même, par amour, elle apporte ce qu’elle a de plus précieux : Jésus ; elle apporte son Fils.

Parfois, nous nous arrêtons nous aussi pour écouter, pour réfléchir sur ce que nous devrions faire, peut-être savons nous même clairement la décision que nous devons prendre, mais nous ne passons pas à l’action. Et surtout nous ne nous mettons pas en jeu nous-mêmes en nous « hâtant » vers les autres pour leur apporter notre aide, notre compréhension, notre charité ; pour apporter nous aussi, comme Marie, ce que nous avons de plus précieux et que nous avons reçu, Jésus et son Évangile, à travers la parole et surtout le témoignage concret de notre action.

Marie, la femme de l’écoute, de la décision, de l’action.

Marie, femme de l’écoute, ouvre nos oreilles : fais que nous sachions écouter la Parole de ton Fils Jésus entre les mille paroles de ce monde ; fais que nous sachions écouter la réalité dans laquelle nous vivons, chaque personne que nous rencontrons, en particulier celle qui est la plus pauvre, démunie, en difficulté.

Marie, femme de la décision, illumine notre esprit et notre cœur, pour que nous sachions obéir à la Parole de ton Fils Jésus, sans hésitations ; donne-nous le courage de la décision, de ne pas nous laisser entraîner pour que d’autres orientent notre vie.

Marie, femme de l’action, fais que nos mains et nos pieds aillent « en hâte » vers les autres, pour apporter la charité et l’amour de ton Fils Jésus, pour apporter, comme toi, dans le monde la lumière de l’Évangile. Amen.

Je vous remercie pour ce Rosaire ensemble, pour cette communion autour de la Mère. Qu’Elle nous bénisse tous, qu’elle nous rende davantage frères. Bonne nuit et bon repos !

jeudi 30 mai 2013

L'Eucharistie nous fait sortir de l'individualisme

Homélie du Pape François pour la Fête-Dieu.


Chers frères et sœurs,

Dans l’Évangile que nous avons écouté, il y a une expression de Jésus qui me touche toujours : « Donnez-leur vous-mêmes à manger » (Lc 9, 13). A partir de cette phrase, je me laisse guider par trois mots : suite du Christ (sequela), communion, partage.

Tout d’abord : qui sont ceux auxquels donner à manger ? Nous trouvons la réponse au début du passage évangélique : c’est la foule, la multitude. Jésus se tient au milieu des personnes, les accueille, leur parle, s’en préoccupe, leur montre la miséricorde de Dieu ; au milieu d’eux, il choisit les Douze apôtres pour rester avec Lui et s’immerger comme Lui dans les situations concrètes du monde. Et la foule le suit, l’écoute, parce que Jésus parle et agit d’une façon nouvelle, avec l’autorité de celui qui est authentique et cohérent, de celui qui parle et agit avec vérité, de celui qui donne l’espérance qui vient de Dieu, de celui qui est révélation du Visage d’un Dieu qui est amour. Et les personnes, avec joie, bénissent Dieu.

Ce soir, nous sommes la foule de l’Évangile, nous cherchons nous aussi à suivre Jésus pour l’écouter, pour entrer en communion avec Lui dans l’Eucharistie, pour l’accompagner et pour qu’il nous accompagne. Demandons-nous : comment est-ce que je suis Jésus ? Jésus parle en silence dans le Mystère de l’Eucharistie et nous rappelle chaque fois que le suivre signifie sortir de nous-mêmes et faire de notre vie non pas notre possession, mais un don à Lui et aux autres.

Allons plus loin : d’où naît l’invitation que Jésus fait aux disciples de nourrir eux-mêmes la multitude ? Elle naît de deux éléments : d’abord, de la foule qui, en suivant Jésus, se trouve en plein air, loin des lieux habités, alors que le soir tombe, et puis de la préoccupation des disciples qui demandent à Jésus de renvoyer la foule pour qu’elle aille dans les villages voisins trouver de la nourriture et un logis (cf. Lc 9, 12). Face aux nécessités de la foule, voici la solution des disciples : que chacun pense à soi ; renvoyer la foule ! Que chacun pense à soi ; renvoyer la foule ! Combien de fois nous, chrétiens, avons-nous eu cette tentation ! Nous ne nous chargeons pas des nécessités des autres, en les renvoyant avec un « Que Dieu te vienne en aide » compatissant ou avec un « bonne chance » pas très compatissant, et si je ne te vois plus... Mais la solution de Jésus va dans une autre direction, une direction qui surprend les disciples : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ». Mais comment est-il possible que nous donnions à manger à une multitude ? « Nous n’avons pas plus de cinq pains et de deux poissons. À moins peut-être d’aller nous-mêmes acheter de la nourriture pour tout ce peuple » (Lc 9, 13). Mais Jésus ne se décourage pas : il demande aux disciples de faire asseoir la foule par groupes de cinquante personnes, il lève les yeux au ciel, récite la bénédiction, rompt les pains et les donne aux disciples afin qu’ils les distribuent (cf. Lc 9, 16). C’est un moment de profonde communion : la foule désaltérée par la parole du Seigneur, est désormais nourrie par son pain de vie. Et tous en furent rassasiés, note l’évangéliste (cf. Lc 9, 17).

Ce soir, nous aussi, nous sommes autour de la table du Seigneur, à la table du sacrifice eucharistique, où Il nous donne encore une fois son Corps, rend présent l’unique sacrifice de la Croix. C’est en écoutant sa Parole, en nous nourrissant de son Corps et de son Sang, qu’il nous fait passer de l’état de multitude à l’état de communauté, de l’anonymat à la communion. L’Eucharistie est le Sacrement de la communion, qui nous fait sortir de l’individualisme pour vivre ensemble la sequela, la foi en Lui. Alors nous devrions tous nous demander devant le Seigneur : comment est-ce que je vis l’Eucharistie ? Est-ce que je la vis de façon anonyme ou comme moment de vraie communion avec le Seigneur, mais aussi avec tous mes frères et sœurs qui partagent ce même repas ? Comment sont nos célébrations eucharistiques ?

Un dernier élément : d’où vient la multiplication des pains ? La réponse se trouve dans l’invitation de Jésus aux disciples « Donnez-leur vous- mêmes… », « donner », partager. Qu’est-ce que partagent les disciples ? Le peu qu’ils ont : cinq pains et deux poissons. Mais ce sont précisément ces pains et ces poissons qui, dans les mains du Seigneur, rassasient toute la foule. Et ce sont précisément les disciples égarés devant l’incapacité de leurs moyens, de la pauvreté de ce qu’ils peuvent mettre à disposition, qui font asseoir les gens et — confiants dans la parole de Jésus — distribuent les pains et les poissons qui nourrissent la foule. Et ceci nous dit que dans l’Église, mais aussi dans la société, un mot-clé dont nous ne devons pas avoir peur est « solidarité », c’est-à-dire savoir mettre à la disposition de Dieu ce que nous avons, nos humbles capacités, car c’est seulement dans le partage, dans le don, que notre vie sera féconde, qu’elle portera du fruit. Solidarité : un mot mal vu par l’esprit du monde !

Ce soir, encore une fois, le Seigneur distribue pour nous le pain qui est son Corps, Il se fait don. Et nous aussi, nous faisons l’expérience de la « solidarité de Dieu » avec l’homme, une solidarité qui ne s’épuise jamais, une solidarité qui ne finit pas de nous surprendre : Dieu se fait proche de nous, dans le sacrifice de la Croix, il s’abaisse en entrant dans l’obscurité de la mort pour nous donner sa vie, qui vainc le mal, l’égoïsme, la mort. Ce soir aussi, Jésus se donne à nous dans l’Eucharistie, partage notre même chemin, se fait même nourriture, la vraie nourriture qui soutient notre vie, y compris dans les moments où la route se fait difficile, et où les obstacles ralentissent nos pas. Et dans l’Eucharistie, le Seigneur nous fait parcourir sa voie, celle du service, du partage, du don, et ce peu que nous avons, ce peu que nous sommes, s’il est partagé, devient richesse, car la puissance de Dieu, qui est celle de l’amour, descend dans notre pauvreté pour la transformer.

Demandons-nous alors ce soir, en adorant le Christ réellement présent dans l’Eucharistie : est-ce que je me laisse transformer par Lui ? Est-ce que je laisse le Seigneur qui se donne à moi, me guider pour sortir toujours plus de mon petit enclos et ne pas avoir peur de donner, de partager, de L’aimer et d’aimer les autres ?

Frères et sœurs : sequela, communion, partage. Prions pour que la participation à l’Eucharistie nous invite toujours à suivre le Seigneur chaque jour, à être instruments de communion, à partager avec Lui et avec notre prochain ce que nous sommes. Alors notre existence sera vraiment féconde. Amen.

mercredi 29 mai 2013

Dieu nous appelle à vivre notre foi ensemble, comme famille, comme Église.

Audience Générale du Pape François.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Mercredi dernier, j’ai souligné le lien profond qui existe entre le Saint-Esprit et l’Église. Aujourd’hui, je voudrais commencer une série de catéchèses sur le mystère de l’Église, mystère que nous vivons tous et dont nous faisons partie. Je voudrais le faire avec des expressions qui sont bien présentes dans les textes du Concile œcuménique Vatican ii.

La première catéchèse aujourd’hui : l’Église comme famille de Dieu.

Au cours des derniers mois, j’ai fait plusieurs fois référence à la parabole du fils prodigue, ou mieux, du père miséricordieux (cf. Lc 15, 11-32). Le plus jeune fils quitte la maison paternelle, dilapide tout et décide de rentrer parce qu’il se rend compte qu’il s’est trompé, mais il ne se considère plus digne d’être un fils et pense pouvoir être accueilli à nouveau comme un serviteur. Son père, au contraire, court à sa rencontre, l’embrasse, lui rend sa dignité de fils et fait la fête. Cette parabole, comme d’autres dans l’Évangile, indique bien le dessein de Dieu sur l’humanité.

Quel est ce projet de Dieu ? C’est de faire de nous tous une unique famille de ses enfants, dans laquelle chacun le sent proche et se sent aimé par Lui, comme dans la parabole de l’Évangile, et sent la chaleur d’être une famille de Dieu. C’est dans ce grand dessein que trouve ses racines l’Église, qui n’est pas une organisation née d’un accord entre certaines personnes, mais — comme nous l’a si souvent rappelé le Pape Benoît XVI — elle est l’œuvre de Dieu, elle naît précisément de ce dessein d’amour qui se réalise progressivement dans l’histoire. L’Église naît du désir de Dieu d’appeler tous les hommes à la communion avec Lui, à l’amitié avec Lui, et même à participer de sa vie divine comme ses propres enfants. Le terme « Église » lui-même, du grec ekklesia, signifie « convocation » : Dieu nous convoque, nous pousse à sortir de notre individualisme, de notre tendance à nous renfermer sur nous-mêmes et nous appelle à faire partie de sa famille. Et cet appel trouve son origine dans la Création elle-même. Dieu nous a créés afin que nous vivions dans une relation de profonde amitié avec Lui, et même quand le péché a rompu cette relation avec Lui, avec les autres et avec le créé, Dieu ne nous a pas abandonnés. Toute l’histoire du salut est l’histoire de Dieu qui cherche l’homme, lui offre son amour, l’accueille. Il a appelé Abraham à être père d’une multitude, il a choisi le peuple d’Israël pour sceller une alliance qui embrasse tous les peuples, et il a envoyé, dans la plénitude des temps, son Fils pour que son dessein d’amour et de salut se réalise dans une alliance nouvelle et éternelle avec l’humanité tout entière. Quand nous lisons les Évangiles, nous voyons que Jésus rassemble autour de lui une petite communauté qui accueille sa parole, le suit, partage son chemin, devient sa famille, et avec cette communauté, il prépare et construit son Église.

D’où naît alors l’Église ? Elle naît du geste suprême d’amour de la Croix, du côté ouvert de Jésus d’où sortent le sang et l’eau, symboles des sacrements de l’Eucharistie et du Baptême. Dans la famille de Dieu, dans l’Église, la sève vitale est l’amour de Dieu qui se concrétise dans l’amour pour Lui et pour les autres, tous, sans distinction et sans mesure. L’Église est une famille dans laquelle on aime et on est aimé.

Quand l’Église se manifeste-t-elle ? Nous l’avons célébré il y a deux dimanches ; elle se manifeste quand le don de l’Esprit Saint remplit le cœur des apôtres et les pousse à sortir et à se mettre en marche pour annoncer l’Évangile, répandre l’amour de Dieu.

Aujourd’hui encore, certains disent : « Le Christ, oui, l’Église, non ». Comme ceux qui disent : « Je crois en Dieu, mais pas dans les prêtres ». Mais c’est précisément l’Église qui nous donne le Christ et qui nous conduit à Dieu ; l’Église est la grande famille des enfants de Dieu. Certes, elle a aussi des aspects humains ; dans ceux qui la composent, pasteurs et fidèles, il y a des défauts, des imperfections, des péchés ; le Pape aussi en a et il en a beaucoup, mais ce qui est beau, c’est que quand nous nous rendons compte que nous sommes pécheurs, nous trouvons la miséricorde de Dieu, qui pardonne toujours. N’oubliez pas cela : Dieu pardonne toujours et il nous accueille dans son amour de pardon et de miséricorde. Certains disent que le péché est une offense à Dieu, mais c'est aussi une occasion d’humiliation pour se rendre compte qu’il y a autre chose de plus beau : la miséricorde de Dieu. Pensons-y.

Demandons-nous aujourd’hui : combien est-ce que j’aime l’Église ? Est-ce que je prie pour elle ? Est-ce que je me sens membre de la famille de l’Église ? Qu’est-ce que je fais pour qu’elle soit une communauté dans laquelle chacun se sente accueilli et compris, fasse l'expérience de la miséricorde et de l’amour de Dieu qui renouvellent la vie ? La foi est un don et un acte qui nous concerne personnellement, mais Dieu nous appelle à vivre notre foi ensemble, comme famille, comme Église.

Demandons au Seigneur, de manière toute particulière en cette Année de la foi, que nos communautés, toute l’Église, soient toujours plus de vraies familles qui vivent et portent la chaleur de Dieu.



Je salue cordialement les pèlerins francophones, particulièrement les fidèles venus de divers diocèse de France, ainsi que les nombreux jeunes présents. Aimez l’Église chers frères et sœurs, elle est l’œuvre de Dieu. Aimez l’Église comme Jésus l’aime, il lui a donné sa vie, il lui communique tout son amour. N’hésitez pas à la défendre ; n’hésitez pas à vous dépenser pour elle, à vous engager à son service, à la rendre plus fraternelle et plus accueillante. Jésus-Christ et l’Église c’est tout un ! Bon pèlerinage à chacun d’entre vous !

dimanche 26 mai 2013

La Très Sainte Trinité est le visage par lequel Dieu s'est révélé

Angelus du Pape François.

Chers frères et sœurs,

Bonjour ! Ce matin, j’ai fait ma première visite dans une paroisse du diocèse de Rome. Je remercie le Seigneur et je vous demande de prier pour mon service pastoral pour cette Église de Rome qui a la mission de présider à la charité universelle.

C’est aujourd’hui le dimanche de la Très Sainte Trinité. La lumière du temps pascal et de la Pentecôte renouvelle en nous chaque année la joie et l’émerveillement de la foi : reconnaissons que Dieu n’est pas quelque chose de vague, notre Dieu n’est pas un Dieu « aérosol », il est concret, ce n’est pas une personne abstraite, mais il a un nom : « Dieu est amour ». Ce n’est pas un amour sentimental, émotif, mais l’amour du Père qui est à l’origine de toute vie, l’amour du Fils qui meurt sur la croix et ressuscite, l’amour de l’Esprit qui renouvelle l’homme et le monde. Penser que Dieu est amour nous fait beaucoup de bien, parce qu’il nous enseigne à aimer, à nous donner les uns aux autres comme Jésus s’est donné à nous et marche avec nous. Jésus marche avec nous sur la route de la vie.

La Très Sainte Trinité n’est pas le produit de raisonnements humains ; elle est le visage par lequel Dieu lui-même s’est révélé, non pas du haut d’une chaire, mais en marchant avec l’humanité. Et c’est Jésus lui-même qui nous a révélé le Père et qui nous a promis le Saint-Esprit. Dieu a marché avec son peuple dans l’histoire du Peuple d’Israël et Jésus a toujours marché avec nous et nous a promis le Saint-Esprit qui est feu, qui nous enseigne tout ce que nous ne savons pas, qui nous guide intérieurement, nous donne de bonnes idées et de bonnes inspirations.

Aujourd’hui, nous ne louons pas Dieu pour un mystère particulier, mais pour Lui-même, « pour son immense gloire », comme le dit l’hymne liturgique. Nous le louons et nous le remercions parce qu’il est Amour et parce qu’il nous appelle à entrer dans l’étreinte de sa communion qui est la vie éternelle.

Confions notre louange aux mains de la Vierge Marie. Elle, la plus humble des créatures, est déjà arrivée, grâce au Christ, au but du pèlerinage terrestre : elle est déjà dans la gloire de la Trinité. C’est pourquoi Marie, notre Mère, la Vierge, resplendit pour nous comme un signe d’espérance sûre. Elle est la Mère de l’espérance ; sur notre chemin, sur notre route, elle est la mère de l’espérance. Elle est aussi la Mère qui nous console, la Mère de la consolation et la Mère qui nous accompagne sur le chemin. Maintenant, prions la Madone tous ensemble, notre Mère qui nous accompagne sur le chemin.

Messe en l'église des saints Zacharie et Elisabeth

La vie chrétienne, c'est de parler avec le Père, avec le Fils et avec le Saint Esprit

Homélie du Pape François en la solennité de la Sainte Trinité - développant un dialogue avec les enfants qui faisaient leur première communion -, à la paroisse romaine Saints-Elisabeth-et-Zacharie.

Chers frères et sœurs,

Dans ses paroles, le curé m’a fait me souvenir d’une belle chose à propos de la Vierge. Lorsque la Vierge reçut l’annonce qu’elle aurait été la mère de Dieu, et également l’annonce que sa cousine Elisabeth était enceinte — dit l’Évangile —, elle s’en alla en hâte ; elle n’attendit pas. Elle n’a pas dit : « Maintenant que je suis enceinte je dois m’occuper de ma santé. Ma cousine aura sans doute des amies qui pourront l’aider ». Elle a entendu quelque chose et « elle s’en alla en hâte ». Il est beau de penser cela de la Vierge, de notre Mère, qui se hâte, car elle ressent cela en elle : aider. Elle part pour aider, elle ne part pas pour se vanter et dire à sa cousine : « Écoute, maintenant c’est moi qui commande, car je suis la Mère de Dieu ! ». Non, elle n’a pas fait cela. Elle est partie aider ! Et la Vierge est toujours ainsi. Elle est notre Mère, qui vient toujours en hâte quand nous en avons besoin. Il serait beau d’ajouter aux Litanies de la Vierge, une qui dise ainsi : « Notre Dame qui part en hâte, prie pour nous ! » Cela est beau, n’est-ce pas ? Car elle part toujours en hâte, elle n’oublie pas ses enfants. Et quand ses enfants sont dans les difficultés, éprouvent un besoin et l’invoquent, Elle part en hâte. Et cela nous donne une sécurité, la sécurité d’avoir notre Mère près de nous, toujours à nos côtés. On va, on marche mieux dans la vie quand on a sa mère à côté. Pensons à cette grâce de la Vierge, cette grâce qu’elle nous donne : d’être proche de nous, mais sans nous faire attendre. Toujours ! Elle veut — nous avons confiance en cela — nous aider. La Vierge qui se hâte toujours pour nous.

La Vierge nous aide aussi à bien comprendre Dieu, Jésus, à bien comprendre la vie de Jésus, la vie de Dieu, à bien comprendre ce qu’est le Seigneur, comment est le Seigneur, qui est Dieu. A vous, les enfants, je demande : « Qui sait qui est Dieu ? ». Qu’il lève la main. Je t’écoute. Voilà ! Le créateur de la Terre. Et combien y a-t-il de Dieu ? Un ? Mais à moi on m’a dit qu’il y en a trois : le Père, le Fils et le Saint-Esprit ! Comment cela s’explique-t-il ? Il y en a un ou il y en a trois ? Un ? Un ? Et comment expliquer que l’un est le Père, l’autre le Fils et l’autre le Saint-Esprit ? Plus fort, plus fort ! Cela est une bonne réponse. Ils sont trois en un, trois personnes en une. Et que fait le Père ? Le Père est le principe, le Père, qui a tout créé, qui nous a créés. Qu’est-ce que fait le Fils ? Qu’est-ce que fait Jésus ? Qui sait dire ce que fait Jésus ? Il nous aime ? Et ensuite ? Il apporte la Parole de Dieu ! Jésus vient nous enseigner la Parole de Dieu. Cela est très bien ! Et ensuite ? Qu’a fait Jésus sur la terre ? Il nous a sauvés ! Et Jésus est venu pour donner sa vie pour nous. Le Père crée le monde ; Jésus nous sauve. Et le Saint-Esprit, que fait-il ? Il nous aime ! Il te donne l’amour ! Les enfants tous ensemble : le Père crée tous, il crée le monde ; Jésus nous sauve; et le Saint-Esprit ? Il nous aime ! C’est cela la vie chrétienne : parler avec le Père, parler avec le Fils et parler avec le Saint-Esprit. Jésus nous a sauvés, mais il marche aussi avec nous dans la vie. Cela est-il vrai ? Et comment marche-t-il ? Que fait-il quand il marche avec nous dans la vie ? C’est une question difficile. Celui qui trouve gagne le derby ! Que fait Jésus quand il marche avec nous ? Plus fort ! Tout d’abord, il nous aide. Il nous guide ! Très bien ! Il marche avec nous, il nous aide, il nous guide et il nous enseigne à aller de l’avant. Et Jésus nous donne aussi la force pour marcher. C’est vrai ? Il nous soutient ! Bien ! Dans les difficultés, n’est-pas ? Et aussi dans nos devoirs pour l’école ! Il nous soutient, il nous aide, il nous guide, il nous soutient. Voilà ! Jésus va toujours avec nous. C’est bien. Mais écoute, Jésus nous donne la force. Comment Jésus nous donne-t-il la force ? Plus fort, je n’entends pas ! Dans la communion il nous donne la force, il nous aide précisément avec la force. Il vient à nous. Mais quand vous dites « il nous donne la communion », un morceau de pain te donne-t-il autant de force ? N’est-ce pas du pain dont il s’agit ? C’est du pain ? Celui-là est du pain, mais celui sur l’autel est du pain ou n’est-il pas du pain ? Il semble du pain ! Ce n’est pas du tout du pain. Qu’est-ce que c’est ? C’est le Corps de Jésus. Jésus vient dans notre cœur. Voilà, pensons à cela, tous : le Père nous a donné la vie; Jésus nous a donné le salut, il nous accompagne, il nous guide, il nous soutient, il nous enseigne; et le Saint-Esprit ? Que nous donne le Saint-Esprit ? Il nous aime ! Il nous donne l’amour. Pensons à Dieu ainsi et demandons à la Vierge, la Vierge notre Mère, qui se hâte toujours pour nous aider, qu’elle nous enseigne à bien comprendre comment est Dieu : comment est le Père, comment est le Fils et comment est le Saint-Esprit. Ainsi soit-il.

samedi 25 mai 2013

La crise actuelle n'est pas seulement économique et financière

Discours du Pape François à la Fondation Centesimus Annus Pro Pontifice.

Messieurs les cardinaux, vénérés frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce, 
Illustres et chers amis, bonjour à tous !

Je vous rencontre avec plaisir à l’occasion du Congrès international de la Fondation Centesimus Annus Pro Pontifice, sur le thème : « Repenser la solidarité pour l’emploi: les défis du XXIe siècle » [...].

La fondation Centesimus Annus fut instituée par le bienheureux Jean-Paul II il y a vingt ans, et porte le nom de l’encyclique qu’il signa lors du centenaire de Rerum novarum. Son cadre de réflexion et d’action est donc celui de la doctrine sociale de l’Église, à laquelle ont contribué de différentes manières les Papes du siècle dernier ainsi que Benoît XVI, en particulier avec l’encyclique Caritas in veritate, mais aussi à travers de mémorables discours.

Je voudrais donc tout d’abord vous remercier de votre engagement à approfondir et diffuser la connaissance de la doctrine sociale, à travers vos cours et vos publications. Je pense que votre service au magistère social, de la part de laïcs qui vivent dans la société, dans le monde de l’économie et du travail, est beau et important.

C’est précisément sur le travail que s’oriente le thème de votre congrès, dans la perspective de la solidarité, qui est une valeur fondamentale de la doctrine sociale, comme nous l’a rappelé le bienheureux Jean-Paul II. Celui-ci, en 1981, dix ans avant Centesimus annus, écrivit l’encyclique Laborem exercens, entièrement consacrée au travail humain. Que signifie « repenser la solidarité ? ». Assurément cela ne signifie pas remettre en question le récent magistère, qui démontre au contraire toujours davantage sa clairvoyance et son actualité. Il me semble plutôt que « repenser » signifie deux choses : tout d’abord conjuguer le magistère avec l’évolution socio-économique qui, étant constante et rapide, présente des aspects toujours nouveaux ; en second lieu, « repenser » veut dire approfondir, réfléchir plus avant, pour faire émerger toute la fécondité d’une valeur — la solidarité, dans ce cas-là — qui puise en profondeur à l’Évangile, c’est-à-dire à Jésus Christ et donc en tant que telle contient des potentialité inépuisables.

La crise économique et sociale actuelle rend encore plus urgente cette nécessité de « repenser » et de souligner encore davantage la vérité et l’actualité des affirmations du magistère social, comme celle que nous lisons dans Laborem exercens : « En jetant les yeux sur l'ensemble de la famille humaine... on ne peut pas ne pas être frappé par un fait déconcertant d'immense proportion : alors que d'une part des ressources naturelles importantes demeurent inutilisées, il y a d'autre part des foules de chômeurs, de sous-employés, d'immenses multitudes d’affamés. Ce fait tend sans aucun doute à montrer que... il y a quelque chose qui ne fonctionne pas » (n. 18). C’est là un phénomène, celui du chômage — du manque et de la perte du travail — qui s’étend comme une tache d’huile dans de larges zones de l’occident et qui élargit de manière inquiétante les limites de la pauvreté. Et il n’y a pas de pire pauvreté matérielle que celle qui ne permet pas de gagner son pain et qui prive de la dignité du travail. Désormais ce « quelque chose qui ne fonctionne pas » ne concerne plus seulement le sud du monde, mais toute la planète. Ainsi s’impose alors l’exigence de « repenser la solidarité » non plus comme une simple assistance à l’égard des plus pauvres, mais comme une manière de repenser tout le système de manière globale, de chercher des voies pour le réformer et le corriger de façon cohérente avec les droits fondamentaux de l’homme, de tous les hommes. À ce mot « solidarité », qui n’est pas bien vu par le monde économique — comme si c’était un gros mot —, il faut redonner la citoyenneté sociale qu’il mérite. La solidarité n’est pas une attitude supplémentaire, ce n’est pas une charité sociale, mais c’est une valeur sociale. Et elle exige de nous sa citoyenneté.

La crise actuelle n’est pas seulement économique et financière, mais plonge ses racines dans une crise éthique et anthropologique. Suivre les idoles du pouvoir, du profit, de l’argent au-dessus de la valeur de la personne humaine, est devenu la norme fondamentale de fonctionnement et un critère décisif d’organisation. On a oublié et on oublie encore à présent qu’au-dessus des affaires, de la logique et des paramètres de marché, il y a l’être humain et il y a quelque chose qui est dû à l’homme en tant qu’homme, en vertu de sa dignité profonde : lui offrir la possibilité de vivre de façon digne et de participer activement au bien commun. Benoît XVI nous a rappelé que toute activité humaine doit être articulée et institutionnalisée de manière éthique (cf. Lett. enc.Caritas in veritate, n. 36). Nous devons revenir à la place centrale de l’homme, à une vision plus éthique des activités et des rapports humains, sans craindre de perdre quelque chose.

Chers amis, merci encore une fois pour cette rencontre et pour le travail que vous menez. J’assure à chacun de vous, à la fondation, à tous ceux qui vous sont chers mon souvenir dans la prière, tout en vous bénissant de tout cœur. Merci.

vendredi 24 mai 2013

N’oubliez pas la chair du Christ qui est dans la chair des réfugiés!

Discours du Pape François aux participants à l'Assemblée plénière du Conseil Pontifical pour la pastorale des Migrants et des personnes en déplacement.

Messieurs les cardinaux, vénérés frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce, chers frères et sœurs !

Je suis heureux de vous accueillir, à l’occasion de la session plénière du Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement : la vingtième depuis que, il y a vingt-cinq ans, le bienheureux Jean-Paul II éleva au rang de Conseil pontifical la précédente Commission pontificale. Je me réjouis avec vous de cet objectif atteint et je rends grâce au Seigneur pour ce qu’il a permis de réaliser [...].

Votre rencontre a pour thème « La sollicitude pastorale de l’Église dans le contexte des migrations forcées », en concomitance avec la publication du document du dicastère intitulé Accueillir le Christ chez les refugiés et chez les personnes déracinées de force. Le document attire l’attention sur les millions de réfugiés, de déplacés et d’apatrides, en touchant également la plaie des trafics d’êtres humains, qui concernent toujours plus souvent les enfants, impliqués dans les pires formes d’exploitation et même enrôlés dans les conflits armés. Je réaffirme que « la traite des personnes » est une activité ignoble, une honte pour nos sociétés qui se disent civilisées ! Les exploiteurs et les clients à tous les niveaux devraient effectuer un sérieux examen de conscience devant eux-mêmes et devant Dieu ! L’Église renouvelle aujourd’hui son appel puissant, afin que soient toujours protégées la dignité et la place centrale de chaque personne, dans le respect des droits fondamentaux, comme le souligne sa doctrine sociale, des droits qu’elle demande que l’on étende réellement là où ils ne sont pas reconnus à des millions d’hommes et de femmes sur chaque continent. Dans un monde dans lequel on parle beaucoup de droits, combien de fois la dignité humaine est-elle en réalité piétinée ! Dans un monde où l’on parle tant de droits, il semble que le seul à les avoir soit l’argent. Chers frères et sœurs, nous vivons dans un monde où l’argent commande. Nous vivons dans un monde, dans une culture où règne le fétichisme de l’argent.

Vous avez à juste titre pris à cœur les situations où la famille des nations est appelée à intervenir, dans un esprit de solidarité fraternelle, avec des programmes de protection, souvent en présence d’événements dramatiques, qui frappent presque quotidiennement la vie de nombreuses de personnes. Je vous exprime mon appréciation et ma reconnaissance, et je vous encourage à poursuivre la route du service à nos frères les plus pauvres et laissés-pour-compte. Rappelons les paroles de Paul VI : « Pour l’Eglise catholique personne n’est étranger, personne n’est exclu, personne n’est loin » (Homélie pour la clôture du Concile Vatican ii, 8 décembre 1965). Nous sommes en effet une seule famille humaine qui, dans la multiplicité de ses différences, marche vers l’unité, en valorisant la solidarité et le dialogue entre les peuples.

L’Église est mère et son attention maternelle se manifeste avec une tendresse et une proximité particulière à l’égard de ceux qui sont obligés de fuir de leur pays et de vivre entre le déracinement et l’intégration. Cette tension détruit les personnes. La compassion chrétienne — ce « souffrir avec », com-passion — s’exprime tout d’abord dans l’engagement de connaître les événements qui poussent à quitter de manière forcée sa patrie et, là où cela est nécessaire, à donner voix à ceux qui ne réussissent pas à faire entendre le cri de la douleur et de l’oppression. Dans ce domaine, vous accomplissez une tâche importante, également en sensibilisant les communautés chrétiennes à l’égard de nombreux frères frappés par des blessures qui marquent leur existence : violences, abus, éloignement des liens familiaux, événements traumatisants, fuite de chez eux, incertitude quant à l’avenir dans les camps de réfugiés. Tous ces éléments déshumanisent et doivent inciter chaque chrétien et toute la communauté à faire preuve d’une attention concrète.

Mais aujourd’hui, chers amis, je voudrais vous inviter tous à apercevoir dans les yeux et dans le cœur des réfugiés et des personnes déracinées par la force, également la lumière de l’espérance. Une espérance qui s’exprime dans les attentes pour l’avenir, dans l’envie de relations d’amitié, dans le désir de participer à la société qui les accueille, également à travers l’apprentissage de la langue, l’accès au travail et l’instruction pour les plus petits. J’admire le courage de ceux qui espèrent pouvoir graduellement reprendre une vie normale, dans l’attente que la joie et l’amour recommencent à réjouir leur existence. Nous pouvons et nous devons tous nourrir cette espérance!

J’invite en particulier les gouvernants et les législateurs et toute la communauté internationale à considérer la situation des personnes déracinées de force avec des initiatives efficaces et de nouvelles approches pour protéger leur dignité, améliorer leur qualité de vie et faire face aux défis qui apparaissent de formes modernes de persécution, d’oppression et d’esclavage. Je souligne qu’il s’agit de personnes humaines, qui font appel à la solidarité et à l’assistance, qui ont besoin d’interventions urgentes, mais également et surtout de compréhension et de bonté. Dieu est bon, imitons Dieu. Leur condition ne peut pas laisser indifférents. Et nous, en tant qu’Église, nous rappelons qu’en soignant les blessures des réfugiés, des déplacés et des victimes des trafics, nous mettons en pratique le commandement de la charité que Jésus nous a laissé, quand il s’est identifié à l’étranger, à celui qui souffre, à toutes les victimes innocentes de violences et d’exploitation. Nous devrions relire plus souvent le chapitre 25 de l’Évangile selon Matthieu, où l’on parle du jugement dernier (cf. vv. 31-46). Et ici, je voudrais également rappeler l’attention que chaque Pasteur et communauté chrétienne doivent avoir pour le chemin de foi des chrétiens réfugiés et déracinés de force de leur environnement, ainsi que des chrétiens émigrants. Ils demandent un soin pastoral particulier qui respecte leurs traditions et les accompagne à une intégration harmonieuse dans les contextes ecclésiaux dans lesquels ils se retrouvent pour vivre. Que nos communautés chrétiennes soient vraiment des lieux d’accueil, d’écoute, de communion !

Chers amis, n’oubliez pas la chair du Christ qui est dans la chair des réfugiés : leur chair est la chair du Christ. C’est également à vous qu’il revient d’orienter vers de nouvelles formes de coresponsabilité tous les organismes engagés dans le domaine des migrations forcées. Malheureusement, il s’agit d’un phénomène en pleine expansion, et votre tâche est donc toujours plus exigeante, pour permettre des réponses concrètes de proximité et d’accompagnement des personnes, en tenant compte des diverses situations locales.

J’invoque sur chacun de vous la protection maternelle de la Très Sainte Vierge Marie, afin qu’elle illumine votre réflexion et votre action. Pour ma part, je vous assure de ma prière, de ma proximité et également de l’admiration pour tout ce que vous faites dans ce domaine, alors que je vous bénis de tout cœur. Merci.

jeudi 23 mai 2013

La joie d'une Eglise servante, humble et fraternelle

Homélie du Pape François lors de la Profession de foi avec les évêques de la Conférence épiscopale italienne.

Chers frères dans l’épiscopat,

Les lectures bibliques que nous avons entendues nous font réfléchir. Personnellement, elles m’ont beaucoup fait réfléchir. J’ai préparé une sorte de méditation pour nous évêques, tout d’abord pour moi, évêque comme vous, et je la partage avec vous.

Il est significatif — et j’en suis particulièrement heureux — que notre première rencontre ait lieu précisément ici, sur le lieu qui conserve non seulement la tombe de Pierre, mais la mémoire vivante de son témoignage de foi, de son service à la vérité, de son don jusqu’au martyre pour l’Évangile et pour l’Église.

Ce soir, cet autel de la Confession devient ainsi notre lac de Tibériade, sur les rives duquel nous écoutons le merveilleux dialogue entre Jésus et Pierre, avec la question adressée à l’apôtre, mais qui doit retentir également dans notre cœur d’évêque.

« M’aimes-tu ? » ; « Es-tu mon ami ? » (cf. Jn 21, 15sq.)

La question est adressée à un homme qui, malgré des déclarations solennelles, s’était laissé prendre par la peur et avait renié.

« M’aimes-tu ? » ; « Es-tu mon ami ? ».

La question s’adresse à moi et à chacun de nous, à nous tous : si nous évitons de répondre de manière trop hâtive et superficielle, celle-ci nous pousse à regarder en nous, à rentrer en nous-mêmes.

« M’aimes-tu ? » ; « Es-tu mon ami ? ».

Celui qui scrute les cœurs (cf. Rm 8, 27) se fait mendiant d’amour et nous interroge sur l’unique question vraiment essentielle, prémisse et condition pour paître ses brebis, ses agneaux, son Église. Chaque ministère se fonde sur cette intimité avec le Seigneur ; vivre de Lui est la mesure de notre service ecclésial, qui s’exprime dans la disponibilité à l’obéissance, à l’abaissement, comme nous avons entendu dans la Lettre aux Philippiens, et au don total (cf. 2, 6-11).

Du reste, la conséquence d’aimer le Seigneur est de tout donner — vraiment tout, jusqu’à notre vie même — pour Lui : voilà ce qui doit distinguer notre ministère pastoral ; c’est le papier tournesol qui dit avec quelle profondeur nous avons embrassé le don reçu en répondant à l’appel de Jésus et combien nous nous sommes liés aux personnes et aux communautés qui nous ont été confiées. Nous ne sommes pas l’expression d’une structure ou d’une nécessité d’organisation : également à travers le service de notre autorité, nous sommes appelés à être le signe de la présence et de l’action du Seigneur ressuscité, et donc à édifier la communauté dans la charité fraternelle.

Ce n’est pas quelque chose d’acquis : en effet, même l’amour le plus grand, quand il n’est pas sans cesse nourri, s’affaiblit et s’éteint. Ce n’est pas pour rien que l’apôtre Paul avertit : « Soyez attentifs à vous-mêmes, et à tout le troupeau dont l’Esprit Saint vous a établis gardiens pour paître l'Église de Dieu, qu'il s'est acquise par le sang de son propre fils » (Ac 20, 28).

Le manque de vigilance — nous le savons — rend le pasteur tiède ; il le fait devenir distrait, oublieux et même intolérant ; il le séduit avec la perspective de la carrière, la flatterie de l’argent et les compromis avec l’esprit du monde ; il le rend paresseux en le transformant en un fonctionnaire, un clerc d’État davantage préoccupé par lui-même, par l’organisation et par les structures, que par le vrai bien du Peuple de Dieu. On court alors le risque, comme l’apôtre Pierre, de renier le Seigneur, même si officiellement on se présente et on parle en son nom ; on cache la sainteté de notre Mère, l’Église hiérarchique, en la rendant moins féconde.

Frères, qui sommes-nous devant Dieu ? Quelles sont nos épreuves ? Nous en avons tant ; chacun de nous a les siennes. Que nous dit Dieu à travers celles-ci ? Sur quoi nous appuyons-nous pour les surmonter ?

Comme pour Pierre, la question insistante et affligée de Jésus peut nous faire souffrir et nous rendre davantage conscients de la faiblesse de notre liberté, qui est menacée par mille conditionnements internes et externes, qui souvent suscitent l’égarement, la frustration, et même l’incrédulité.

Ce ne sont certainement pas les sentiments et les attitudes que le Seigneur entend susciter ; c’est plutôt l’ennemi, le diable, qui profite de ceux-ci, pour isoler dans l’amertume, dans la plainte et dans le découragement.

Jésus, bon Pasteur, n’humilie pas et n’abandonne pas aux remords : en Lui parle la tendresse du Père, qui console et ranime ; il fait passer de la désagrégation de la honte — parce que la honte désagrège vraiment — au tissu de la confiance ; il redonne du courage, il confie à nouveau la responsabilité, il remet à la mission.

Pierre, purifié par le feu du pardon peut dire humblement « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime. » (Jn 21, 17) Je suis certain que nous pouvons tous le dire de tout cœur. Et Pierre purifié, dans sa première Lettre, nous exhorte à paître « le troupeau de Dieu […] veillant sur lui, non par contrainte, mais de bon gré, selon Dieu ; non pour un gain sordide, mais avec l'élan du cœur ; non pas en faisant les seigneurs à l'égard de ceux qui vous sont échus en partage, mais en devenant les modèles du troupeau » (1 P 5, 2-3).

Oui, être pasteurs signifie croire chaque jour dans la grâce et dans la force qui nous vient du Seigneur, malgré notre faiblesse, et assumer jusqu’au bout la responsabilité de marcher devant le troupeau, libérés des poids qui entravent le sain zèle apostolique, et sans hésitations en le guidant, pour rendre notre voix reconnaissable, aussi bien par ceux qui ont embrassé la foi, que par ceux qui « ne sont pas [encore] de cet enclos » (Jn 10, 16) : nous sommes appelés à faire nôtre le rêve de Dieu, dont la maison n’exclut aucune personne ni aucun peuple, comme l’annonçait prophétiquement Isaïe dans la première lecture (cf. Is 2, 2-5).

C’est pour cela qu’être pasteurs signifie également se disposer à marcher au milieu et derrière le troupeau : capables d’écouter le récit silencieux de celui qui souffre et de soutenir le pas de celui qui craint de ne pas y arriver ; attentifs à relever, à rassurer et à donner de l’espérance. Notre foi sort toujours renforcée du partage avec les humbles : mettons donc de côté toute forme d’arrogance, pour nous pencher sur ceux que le Seigneur a confiés à notre sollicitude. Parmi eux, nous devons réserver une place particulière, bien particulière, à nos prêtres : que pour eux en particulier, notre cœur, notre main et notre porte restent ouverts en toutes circonstances. Ce sont les premiers fidèles que nous avons, nous les évêques : nos prêtres. Aimons-les ! Aimons-les de tout cœur ! Ce sont nos enfants et nos frères !

Chers frères, la profession de foi que nous renouvelons à présent ensemble n’est pas un acte formel, mais elle est le renouvellement de notre réponse au « Suis-moi » par lequel se conclut l’Évangile de Jean (21, 19) : elle conduit à dérouler sa propre vie selon le projet de Dieu, en engageant toute sa personne pour le Seigneur Jésus. C’est de là que jaillit ce discernement qui connaît et prend en charge les pensées, les attentes et les nécessités des hommes de notre temps.

Dans cet esprit, je remercie de tout cœur chacun de vous pour votre service, pour votre amour pour l’Église.

Et la Mère est ici! Je vous place, et moi aussi je me place, sous le manteau de Marie, Notre-Dame.

Mère du silence, qui garde le mystère de Dieu, libère-nous de l’idolâtrie du présent à laquelle se condamne celui qui oublie. Purifie les yeux des pasteurs avec le collyre de la mémoire et nous retournerons à la fraîcheur des origines, pour une Église priante et pénitente.

Mère de la beauté, qui fleurit dans la fidélité au travail quotidien, réveille-nous de la torpeur de la paresse, de la mesquinerie et du défaitisme. Revêt les pasteurs de cette compassion qui unifie et qui intègre, et nous découvrirons la joie d’une Église servante, humble et fraternelle.

Mère de la tendresse, qui enveloppe de patience et de miséricorde, aide-nous à brûler les tristesses, les impatiences et les rigidités de ceux qui ne connaissent pas d’appartenance.

Intercède auprès de ton Fils pour que nos mains, nos pieds et nos cœurs soient agiles, et nous édifierons l’Église avec la vérité dans la charité.

Mère, nous serons le peuple de Dieu, en pèlerinage vers le Royaume. Amen.

mercredi 22 mai 2013

La langue de l'Esprit est la langue de la communion

Audience Générale du Pape François.

Chers frères et sœurs, bonjour.

Dans le Credo, immédiatement après avoir professé la foi dans le Saint-Esprit, nous disons : « Je crois en l’Église une, sainte, catholique et apostolique ». Il y a un lien profond entre ces deux réalités de foi : c’est le Saint-Esprit, en effet, qui donne vie à l’Église, guide ses pas. Sans la présence et l’action incessante du Saint-Esprit, l’Église ne pourrait pas vivre et ne pourrait accomplir le devoir que Jésus Ressuscité lui a confié d’aller et de faire des disciples de toutes les nations (cf. Mt 28, 18). Évangéliser est la mission de l’Église, pas seulement de certains, mais la mienne, la tienne, notre mission. L’apôtre Paul s’exclamait : « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile ! » (1 Co 9, 16). Chacun doit être évangélisateur, surtout à travers sa vie ! Paul VI soulignait qu’« évangéliser... est la grâce et la vocation propre de l’Église, son identité la plus profonde. Elle existe pour évangéliser » (Exhort. ap. Evangelii nuntiandi, n. 14).

Qui est le vrai moteur de l’évangélisation dans notre vie et dans l’Église ? Paul VI écrivait avec clarté : « C’est Lui le Saint-Esprit qui, aujourd’hui comme aux débuts de l’Église, agit en chaque évangélisateur qui se laisse posséder et conduire par Lui, et met dans sa bouche les mots que seul il ne pourrait trouver, tout en prédisposant aussi l’âme de celui qui écoute pour le rendre ouvert et accueillant à la Bonne Nouvelle et au Règne annoncé » (ibid., n. 75). Pour évangéliser, alors, il est nécessaire encore une fois de s’ouvrir à l’horizon de l’Esprit de Dieu, sans craindre ce qu’il peut nous demander et où il nous conduit. Ayons confiance en Lui ! Il nous rendra capables de vivre et de témoigner de notre foi, et il illuminera le cœur de ceux que nous rencontrons. Telle a été l’expérience de Pentecôte : les apôtres, réunis avec Marie au Cénacle, « virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues et qui se posa sur chacun d’eux. Alors, ils furent tous remplis de l’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit » (Ac 2, 3-4). Le Saint-Esprit, en descendant sur les apôtres, les fait sortir de la pièce où ils étaient enfermés par crainte, il les fait sortir d’eux-mêmes, et les transforme en annonciateurs et témoins des « merveilles de Dieu » (v. 11). Et cette transformation opérée par le Saint-Esprit se reflète dans la foule accourue sur place et provenant « de toutes les nations qui sont sous le ciel » (v. 5), parce que chacun écoute les paroles des apôtres comme si elles étaient prononcées dans sa propre langue (v. 6).

Il y a ici un premier effet important de l’action du Saint-Esprit qui conduit et anime l’annonce de l’Évangile : l’unité, la communion. À Babel, selon le récit biblique, avait commencé la dispersion des peuples et la confusion des langues, fruit du geste de vanité et d’orgueil de l’homme qui voulait construire, uniquement par ses forces, sans Dieu, « une ville, avec une tour dont le sommet soit dans les cieux » (Gn 11, 4). À la Pentecôte, ces divisions sont surmontées. Il n’y a plus d’orgueil envers Dieu, ni de fermeture des uns envers les autres, mais il y a l’ouverture à Dieu, il y a le fait de sortir pour annoncer sa Parole : une langue nouvelle, celle de l’amour que le Saint-Esprit reverse dans les cœurs (cf. Rm 5, 5) ; une langue que tous peuvent comprendre et qui, accueillie, peut être exprimée dans toute existence et dans toute culture. La langue de l’Esprit, la langue de l’Évangile est la langue de la communion, qui invite à surmonter fermetures et indifférence, divisions et conflits. Nous devrions tous nous demander : comment est-ce que je me laisse guider par le Saint-Esprit de manière que ma vie et mon témoignage de foi soit d’unité et de communion ? Est-ce que je porte la parole de réconciliation et d’amour qu’est l’Évangile dans les milieux où je vis ? Parfois, il semble que se répète aujourd’hui ce qui est arrivé à Babel : divisions, incapacité de se comprendre, rivalités, jalousies, égoïsme. Moi, que fais-je avec ma vie ? Est-ce que je fais l’unité autour de moi ? Ou est-ce que je divise, à travers les commérages, les critiques, les jalousies ? Que fais-je ? Pensons à cela. Apporter l’Évangile, c’est annoncer et vivre nous les premiers la réconciliation, le pardon, la paix, l’unité et l’amour que le Saint-Esprit nous donne. Souvenons-nous des paroles de Jésus : « Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres » (Jn 13, 34-35).

Un deuxième élément : le jour de la Pentecôte, Pierre, rempli du Saint-Esprit, se met debout « avec les onze » et « à voix haute » (Ac 2, 14) et « avec franchise » (v. 29) annonce la bonne nouvelle de Jésus, qui a donné sa vie pour notre salut et que Dieu a ressuscité d’entre les morts. Voilà un autre effet de l’action du Saint-Esprit : le courage d’annoncer la nouveauté de l’Évangile de Jésus à tous, avec franchise (parousie), à haute voix, à chaque époque et en chaque lieu. Et cela a lieu aujourd’hui aussi pour l’Église et pour chacun de nous: du feu de la Pentecôte, de l’action de l’Esprit Saint, se libèrent toujours de nouvelles énergies de mission, de nouvelles voies à travers lesquelles annoncer le message du salut, un nouveau courage pour évangéliser. Ne nous fermons jamais à cette action ! Vivons avec humilité et courage l’Évangile ! Témoignons de la nouveauté, de l’espérance, de la joie que le Seigneur apporte dans la vie. Ressentons en nous « la joie douce et réconfortante d’évangéliser » (Paul VI, Exhort. ap. Evangelii nuntiandi, n. 80). Car évangéliser, annoncer Jésus, nous donne de la joie ; en revanche, l’égoïsme nous donne de l’amertume, de la tristesse, nous abat ; évangéliser nous élève.

Je ne fais que mentionner un troisième élément, qui cependant est particulièrement important : une nouvelle évangélisation, une Église qui évangélise doit toujours partir de la prière, de la demande, comme les apôtres au Cénacle, du feu du Saint-Esprit. Seul le rapport fidèle et intense avec Dieu permet de sortir de ses propres fermetures et d’annoncer avec parousie l’Évangile. Sans la prière, notre action devient vide et notre annonce est sans âme, et n’est pas animée par l’Esprit.

Chers amis, comme l’a affirmé Benoît XVI, aujourd’hui l’Église « sent surtout le vent de l’Esprit Saint qui nous aide, nous montre la vraie voie ; et ainsi, avec un nouvel enthousiasme, nous sommes en chemin et nous rendons grâce au Seigneur » (Discours à l’assemblée ordinaire du synode des évêques, 27 octobre 2012). Nous renouvelons chaque jour notre confiance dans l’action du Saint-Esprit, la confiance qu’Il agit en nous, Il est en nous, il nous donne la ferveur apostolique, il nous donne la paix, il nous donne la joie. Laissons-nous guider par Lui, nous sommes des hommes et des femmes de prière, qui témoignent avec courage de l’Évangile, en devenant dans notre monde des instruments de l’unité et de la communion avec Dieu. Merci.



APPEL

Vendredi, 24 mai, est le jour consacré à la mémoire liturgique de la Bienheureuse Vierge Marie, Auxiliaire des chrétiens, vénérée avec une grande dévotion dans le sanctuaire de Sheshan, à Shanghaï.

J’invite tous les catholiques du monde à s’unir en prière avec nos frères et sœurs qui sont en Chine, pour implorer de Dieu la grâce d’annoncer avec humilité et avec joie le Christ mort et ressuscité, d’être fidèles à son Église et au Successeur de Pierre et de vivre quotidiennement leur service à leur pays et à leurs citoyens de manière cohérente avec la foi qu’ils professent.

En faisant nôtres plusieurs mots de la prière à la Vierge de Sheshan, je voudrais ainsi invoquer Marie avec vous : « Notre-Dame de Sheshan, soutiens l’engagement de ceux qui en Chine, malgré les difficultés quotidiennes, continuent à croire, à espérer, à aimer, afin qu’ils ne craignent jamais de parler de Jésus au monde et du monde à Jésus ».

Que Marie, Vierge fidèle, soutienne les catholiques chinois, rende leurs engagements difficiles toujours plus précieux aux yeux du Seigneur, et qu’elle fasse grandir l’affection et la participation de l’Église qui est en Chine au chemin de l’Église universelle.

Source

dimanche 19 mai 2013

L’annonce de l’Évangile est inséparable du fait d’être disciples du Christ

Message du Pape François pour la Journée Mondiale des Missions.

Chers frères et sœurs,

Cette année, nous célébrons la Journée missionnaire mondiale alors que s’achève l’Année de la foi, occasion importante pour renforcer notre amitié avec le Seigneur et notre cheminement en tant qu’Église qui annonce avec courage l’Évangile. Dans cette perspective, je souhaiterais proposer quelques réflexions.

1. La foi est un précieux don de Dieu, qui ouvre notre esprit afin que nous puissions le connaître et l’aimer. Il veut entrer en relation avec nous afin de nous faire participer à sa vie même et rendre notre vie davantage pleine de signification, meilleure, plus belle. Dieu nous aime ! La foi demande cependant à être accueillie. Elle demande donc une réponse personnelle de notre part, le courage de faire confiance à Dieu, de vivre son amour, reconnaissants pour son infinie miséricorde. Elle est ensuite un don qui n’est pas réservé à quelques-uns mais qui est offert avec générosité. Tous devraient pouvoir faire l’expérience de la joie de se sentir aimés par Dieu, de la joie du salut ! Et il s’agit d’un don qu’il n’est pas possible de conserver pour soi mais qui doit être partagé : si nous voulions le garder seulement pour nous, nous deviendrions dans ce cas des chrétiens isolés, stériles et malades. L’annonce de l’Évangile est inséparable du fait d’être disciples du Christ et elle constitue un engagement constant qui anime toute la vie de l’Église. « L’élan missionnaire est un signe clair de la maturité d’une communauté ecclésiale » (Benoît XVI, Exhortation apostolique Verbum Domini, n. 95). Chaque communauté est « adulte » lorsqu’elle professe la foi, qu’elle la célèbre avec joie dans la liturgie, qu’elle vit la charité et annonce sans relâche la Parole de Dieu, sortant de son enclos afin de la porter également dans les « périphéries », surtout à ceux qui n’ont pas encore eu la possibilité de connaître le Christ. La solidité de notre foi, au plan personnel et communautaire, se mesure aussi à partir de la capacité de la communiquer à d’autres, de la diffuser, de la vivre dans la charité, d’en témoigner auprès de ceux qui nous rencontrent et partagent avec nous le chemin de la vie.

2. L’Année de la foi, cinquante ans après le début du Concile Vatican II, nous appelle à faire en sorte que l’Église tout entière ait une conscience renouvelée de sa présence dans le monde contemporain, de sa mission parmi les peuples et les nations. Le caractère missionnaire n’est pas seulement une question de territoires géographiques mais de peuples, de cultures et de personnes, parce que justement les « frontières » de la foi ne traversent pas seulement des lieux et des traditions humaines mais le cœur de tout homme et de toute femme. Le Concile Vatican II a souligné de façon particulière la manière dont le devoir missionnaire, le devoir d’élargir les frontières de la foi, est le propre de tout baptisé et de toutes les communautés chrétiennes : « Puisque le Peuple de Dieu vit dans des communautés, diocésaines et paroissiales surtout, et que c’est dans ces communautés que d’une certaine manière il se montre visible, c’est aussi aux communautés qu’il appartient de rendre témoignage au Christ devant les nations » (Décret Ad Gentes, n. 37). Chaque communauté est donc interpellée et invitée à faire sien le mandat confié par Jésus à ses Apôtres afin qu’ils soient ses « témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8), non pas comme un aspect secondaire de la vie chrétienne mais comme un aspect essentiel : nous sommes tous envoyés sur les routes du monde pour cheminer avec nos frères, en professant et en témoignant notre foi au Christ et en étant annonciateurs de son Évangile. J’invite les Évêques, les prêtres, les Conseils presbytéraux et pastoraux, toute personne et tout groupe responsable à l’intérieur de l’Église à donner de l’importance à la dimension missionnaire au sein de leurs programmes pastoraux et de formation, ressentant que son propre engagement apostolique n’est pas complet s’il ne comprend pas l’intention de « rendre témoignage du Christ devant les Nations », face à tous les peuples. Le caractère missionnaire n’est pas seulement une dimension programmatique dans la vie chrétienne mais il est également une dimension paradigmatique qui concerne tous les aspects de la vie chrétienne.

3. Souvent, l’œuvre d’évangélisation rencontre des obstacles non seulement à l’extérieur mais à l’intérieur même de la communauté ecclésiale. Parfois la ferveur, la joie, le courage, l’espérance que nous mettons dans le fait d’annoncer à tous le Message du Christ et d’aider les hommes de notre temps à le rencontrer sont faibles. Parfois, certains pensent encore que porter la Vérité de l’Évangile consiste à faire violence à la liberté. Paul VI a des paroles lumineuses à ce propos : « Ce serait … une erreur d’imposer quoi que ce soit à la conscience de nos frères. Mais c’est tout autre chose de proposer à cette conscience la vérité évangélique et le salut en Jésus-Christ en pleine clarté et dans le respect absolu des options libres qu’elle fera … c’est un hommage à cette liberté » (Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, n. 80). Nous devons toujours avoir le courage et la joie de proposer, avec respect, la rencontre avec le Christ, de nous faire porteurs de son Évangile. Jésus est venu parmi nous pour indiquer le chemin du salut et il nous a confié à nous aussi la mission de le faire connaître à tous, jusqu’aux extrémités de la terre. Souvent, nous voyons que ce sont la violence, le mensonge, l’erreur qui sont mis en relief et proposés. Il est urgent de faire resplendir à notre époque la bonne nouvelle de l’Évangile au travers de l’annonce et du témoignage et cela à l’intérieur même de l’Église parce que, dans cette perspective, il est important de ne jamais oublier un principe fondamental pour tout évangélisateur : il n’est pas possible d’annoncer le Christ sans l’Église. Évangéliser n’est jamais un acte isolé, individuel, privé mais toujours ecclésial. Paul VI écrivait que « lorsque le plus obscur prédicateur, catéchiste ou pasteur, dans la contrée la plus lointaine, prêche l’Évangile, rassemble sa petite communauté ou confère un sacrement, même seul, il fait un acte d’Église ». Il agit « non pas par une mission qu’il s’attribue, ou par une inspiration personnelle, mais en union avec la mission de l’Église et en son nom » (Ibid. n. 60). Et cela donne force à la mission et fait sentir à tout missionnaire et évangélisateur qu’il n’est jamais seul mais qu’il fait partie d’un seul Corps, animé par le Saint Esprit.

4. À notre époque, la mobilité diffuse et la facilité de communication au travers des « nouveaux média » ont mélangé entre eux les peuples, les connaissances, les expériences. Pour des raisons de travail, des familles entières se déplacent d’un continent à l’autre. Les échanges professionnels et culturels, suivis par le tourisme et des phénomènes analogues, provoquent un vaste mouvement de personnes. Parfois il est difficile même pour les Communautés paroissiales de connaître de manière sûre et approfondie ceux qui sont de passage ou ceux qui vivent de manière stable sur le territoire. En outre, dans des zones toujours plus vastes des régions traditionnellement chrétiennes s’accroît le nombre de ceux qui sont étrangers à la foi, indifférents à la dimension religieuse ou animés par d’autres croyances. Par ailleurs, il n’est pas rare que certains baptisés fassent des choix de vie qui les conduisent loin de la foi, rendant ainsi nécessaire qu’ils fassent l’objet d’une « nouvelle évangélisation ». À tout cela vient s’ajouter le fait qu’une vaste part de l’humanité n’a pas été atteinte par la Bonne Nouvelle de Jésus Christ. Nous vivons par ailleurs un moment de crise qui touche différents secteurs de l’existence, non seulement celui de l’économie, de la finance, de la sécurité alimentaire, de l’environnement mais également celui du sens profond de la vie et des valeurs fondamentales qui l’animent. La coexistence humaine est marquée, elle aussi, par des tensions et des conflits qui provoquent insécurité et difficulté à trouver le chemin d’une paix stable. Dans cette situation complexe, où l’horizon du présent et de l’avenir semblent caractérisés par des nuages menaçants, il est encore plus urgent de porter avec courage au sein de chaque réalité l’Évangile du Christ qui constitue une annonce d’espérance, de réconciliation, de communion, une annonce de la proximité de Dieu, de sa miséricorde, de son salut, une annonce du fait que la puissance de l’amour de Dieu est capable de l’emporter sur les ténèbres du mal et de conduire sur le chemin du bien. L’homme de notre temps a besoin d’une lumière sûre qui éclaire sa route et que seule la rencontre avec le Christ peut donner. Portons à ce monde, par notre témoignage, avec amour, l’espérance donnée par la foi ! Le caractère missionnaire de l’Église n’est pas un prosélytisme mais un témoignage de vie qui illumine le chemin, qui porte espérance et amour. L’Église – je le répète une fois encore – n’est pas une organisation d’assistance, une entreprise, une ONG mais une communauté de personnes animées par l’action de l’Esprit Saint, qui ont vécu et vivent l’étonnement de la rencontre avec Jésus Christ et désirent partager cette expérience de joie profonde, partager le Message de salut que le Seigneur nous a apporté. C’est justement l’Esprit Saint qui conduit l’Église sur ce chemin.

5. Je voudrais tous vous encourager à vous faire porteurs de la Bonne Nouvelle du Christ et je suis particulièrement reconnaissant aux missionnaires, aux prêtres fidei donum, aux religieux et aux religieuses, aux fidèles laïcs – toujours plus nombreux – qui, répondant à l’appel du Seigneur, quittent leur propre patrie pour servir l’Évangile dans des terres et des cultures différentes. Mais je voudrais également souligner combien les jeunes Églises elles-mêmes s’engagent actuellement généreusement dans l’envoi de missionnaires aux Églises qui se trouvent en difficulté – et il n’est pas rare qu’il s’agisse d’Églises d’antique chrétienté – portant ainsi la fraîcheur et l’enthousiasme avec lesquels elles vivent la foi qui renouvelle la vie et donne l’espérance. Vivre selon ce souffle universel, en répondant au mandat de Jésus, « allez donc, de toutes les nations faites des disciples » (Mt 28, 19), est une richesse pour toute Église particulière, pour toute communauté et donner des missionnaires n’est jamais une perte mais un gain. Je fais appel à ceux qui perçoivent cette vocation à répondre généreusement à la voix de l’Esprit, selon leur état de vie, et à ne pas avoir peur d’être généreux avec le Seigneur. J’invite également les Évêques, les familles religieuses, les communautés et tous les groupements chrétiens à soutenir, avec clairvoyance et un discernement attentif, l’appel missionnaire ad gentes et à aider les Églises qui ont besoin de prêtres, de religieux et de religieuses ainsi que de laïcs pour renforcer la communauté chrétienne. Ceci devrait être également une attention présente au sein des Églises faisant partie d’une même Conférence épiscopale ou d’une même Région : il est important que les Églises qui sont plus riches en vocations aident avec générosité celles qui souffrent suite à leur manque.

J’exhorte aussi les missionnaires, en particulier les prêtres fidei donum et les laïcs, à vivre avec joie leur précieux service dans les Églises auxquelles ils sont envoyés, et à porter leur joie et leur expérience aux Églises dont ils proviennent, se rappelant comment Paul et Barnabé, au terme de leur premier voyage missionnaire « se mirent à rapporter tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux païens la porte de la foi » (Ac 14, 27). Ils peuvent devenir un chemin pour une sorte de « restitution » de la foi, en portant la fraîcheur des jeunes Églises, afin que les Églises d’antique chrétienté retrouvent l’enthousiasme et la joie de partager la foi dans un échange qui est enrichissement réciproque sur le chemin à la suite du Seigneur.

La sollicitude envers toutes les Églises, que l’Évêque de Rome partage avec ses confrères Évêques, trouve une importante réalisation dans l’engagement des Œuvres pontificales missionnaires, qui ont pour but d’animer et d’approfondir la conscience missionnaire de chaque baptisé et de chaque communauté, tant en rappelant la nécessité d’une plus profonde formation missionnaire de l’ensemble du Peuple de Dieu qu’en alimentant la sensibilité des Communautés chrétiennes afin qu’elles offrent leur aide pour favoriser la diffusion de l’Évangile dans le monde.

Une pensée enfin va aux chrétiens qui, en différentes parties du monde, se trouvent en difficulté en ce qui concerne le fait de professer ouvertement leur foi et de se voir reconnu le droit de la vivre dignement. Ce sont nos frères et sœurs, témoins courageux – encore plus nombreux que les martyrs des premiers siècles – qui supportent avec persévérance apostolique les différentes formes actuelles de persécution. Nombreux sont ceux qui risquent même leur vie pour demeurer fidèles à l’Évangile du Christ. Je désire assurer que je suis proche par la prière des personnes, des familles et des communautés qui endurent la violence et l’intolérance et je leur répète les paroles consolantes de Jésus : « Gardez courage ! J’ai vaincu le monde » (Jn 16, 33).

Benoît XVI exhortait : « ‘Que la Parole du Seigneur accomplisse sa course et soit glorifiée’ (2 Th 3, 1) : puisse cette Année de la foi rendre toujours plus solide la relation avec le Christ Seigneur, puisque seulement en lui se trouve la certitude pour regarder vers l’avenir et la garantie d’un amour authentique et durable » (Lettre apostolique Porta Fidei, n. 15). C’est mon souhait pour la Journée missionnaire mondiale de cette année. Je bénis de tout cœur les missionnaires et tous ceux qui accompagnent et soutiennent cet engagement fondamental de l’Église afin que l’annonce de l’Évangile puisse résonner dans tous les coins de la terre et que nous, Ministres de l’Évangile et missionnaires, fassions l’expérience de « la douce et réconfortante joie d’évangéliser » (Paul VI, Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, n. 80).