samedi 29 juin 2013

L'amour est une expérience de vérité

Lettre Encyclique Lumen Fidei du Pape François sur la foi.

27. La manière dont le philosophe Ludwig Wittgenstein a expliqué la connexion entre la foi et la certitude est bien connue. Croire serait semblable, selon lui, à l’expérience de tomber amoureux, une expérience comprise comme subjective, qui ne peut pas être proposé comme une vérité valable pour tous. Pour l’homme moderne, en effet, la question de l’amour semble n’avoir rien à voir avec le vrai. L’amour se comprend aujourd’hui comme une expérience liée au monde des sentiments inconstants, et non plus à la vérité.

Est-ce là vraiment une description adéquate de l’amour ? En réalité, l’amour ne peut se réduire à un sentiment qui va et vient. Il touche, certes, notre affectivité, mais pour l’ouvrir à la personne aimée et pour commencer ainsi une marche qui est un abandon de la fermeture en son propre « moi » pour aller vers l’autre personne, afin de construire un rapport durable ; l’amour vise l’union avec la personne aimée. Se manifeste alors dans quel sens l’amour a besoin de la vérité. C’est seulement dans la mesure où l’amour est fondé sur la vérité qu’il peut perdurer dans le temps, dépasser l’instant éphémère et rester ferme pour soutenir une marche commune. Si l’amour n’a pas de rapport avec la vérité, il est soumis à l’instabilité des sentiments et il ne surmonte pas l’épreuve du temps. L’amour vrai, au contraire, unifie tous les éléments de notre personne et devient une lumière nouvelle vers une vie grande et pleine. Sans vérité l’amour ne peut pas offrir de lien solide, il ne réussit pas à porter le « moi » au-delà de son isolement, ni à le libérer de l’instant éphémère pour édifier la vie et porter du fruit.

Si l’amour a besoin de la vérité, la vérité, elle aussi, a besoin de l’amour. Amour et vérité ne peuvent pas se séparer. Sans amour, la vérité se refroidit, devient impersonnelle et opprime la vie concrète de la personne. La vérité que nous cherchons, celle qui donne sens à nos pas, nous illumine quand nous sommes touchés par l’amour. Celui qui aime comprend que l’amour est une expérience de vérité, qu’il ouvre lui-même nos yeux pour voir toute la réalité de manière nouvelle, en union avec la personne aimée. En ce sens, saint Grégoire le Grand a écrit que « amor ipse notitia est », l’amour même est une connaissance, il porte en soi une logique nouvelle. Il s’agit d’une manière relationnelle de regarder le monde, qui devient connaissance partagée, vision dans la vision de l’autre et vision commune sur toutes les choses. Guillaume de Saint Thierry, au Moyen-âge, suit cette tradition quand il commente un verset du Cantique des Cantiques où le bien-aimé dit à la bien-aimée : Tes yeux sont des yeux de colombes (cf. Ct 1, 15). Ces yeux de la bien-aimée, explique Guillaume, sont la raison croyante et l’amour, qui deviennent un seul oeil pour parvenir à la contemplation de Dieu, quand l’intellect se fait « intellect d’un amour illuminé ».

28. Cette découverte de l’amour comme source de connaissance, qui appartient à l’expérience originelle de tout homme, trouve une expression importante dans la conception biblique de la foi. En expérimentant l’amour avec lequel Dieu l’a choisi et l’a engendré comme peuple, Israël arrive à comprendre l’unité du dessein divin, des origines à l’accomplissement. Du fait qu’elle naît de l’amour de Dieu qui conclut l’Alliance, la connaissance de la foi est une connaissance qui éclaire le chemin dans l’histoire. C’est en outre pour cela que, dans la Bible, vérité et fidélité vont de pair, et le vrai Dieu est le Dieu fidèle, celui qui maintient ses promesses et permet, dans le temps, de comprendre son dessein. À travers l’expérience des prophètes, dans la douleur de l’exil et dans l’espérance d’un retour définitif dans la cité sainte, Israël a eu l’intuition que cette vérité de Dieu s’étendait au-delà de son histoire, pour embrasser toute l’histoire du monde, depuis la création. La connaissance de la foi éclaire, non seulement le parcours particulier d’un peuple, mais tout le cours du monde créé, de ses origines à sa consommation.

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