samedi 29 juin 2013

Le courage d'avoir confiance et de faire confiance

Lettre Encyclique Lumen Fidei du Pape François sur la foi.

12. L’histoire du peuple d’Israël, dans le livre de l’Exode, se poursuit dans le sillage de la foi d’Abraham. La foi naît de nouveau d’un don originaire : Israël s’ouvre à l’action de Dieu qui veut le libérer de sa misère. La foi est appelée à un long cheminement pour pouvoir adorer le Seigneur sur le Sinaï et hériter d’une terre promise. L’amour divin possède les traits du père qui soutient son fils au long du chemin (cf. Dt 1, 31). La confession de foi d’Israël se développe comme un récit des bienfaits de Dieu, de son action pour libérer et guider le peuple (cf. Dt 26, 5-11), récit que le peuple transmet de génération en génération. La lumière de Dieu brille pour Israël à travers la mémoire des faits opérés par le Seigneur, rappelés et confessés dans le culte, transmis de père en fils. Nous apprenons ainsi que la lumière apportée par la foi est liée au récit concret de la vie, au souvenir reconnaissant des bienfaits de Dieu et à l’accomplissement progressif de ses promesses. L’architecture gothique l’a très bien exprimé : dans les grandes cathédrales la lumière arrive du ciel à travers les vitraux où est représentée l’histoire sacrée. La lumière de Dieu nous parvient à travers le récit de sa révélation, et ainsi elle est capable d’éclairer notre chemin dans le temps, rappelant les bienfaits divins, indiquant comment s’accomplissent ses promesses.

13. L’histoire d’Israël nous montre encore la tentation de l’incrédulité à laquelle le peuple a succombé plusieurs fois. L’idolâtrie apparaît ici comme l’opposé de la foi. Alors que Moïse parle avec Dieu sur le Sinaï, le peuple ne supporte pas le mystère du visage divin caché ; il ne supporte pas le temps de l’attente. Par sa nature, la foi demande de renoncer à la possession immédiate que la vision semble offrir, c’est une invitation à s’ouvrir à la source de la lumière, respectant le mystère propre d’un Visage, qui entend se révéler de façon personnelle et en temps opportun. Martin Buber citait cette définition de l’idolâtrie proposée par le rabbin de Kock : il y a idolâtrie « quand un visage se tourne respectueusement vers un visage qui n’est pas un visage ». Au lieu de la foi en Dieu on préfère adorer l’idole, dont on peut fixer le visage, dont l’origine est connue parce qu’elle est notre oeuvre. Devant l’idole on ne court pas le risque d’un appel qui fasse sortir de ses propres sécurités, parce que les idoles « ont une bouche et ne parlent pas » (Ps 115, 5). Nous comprenons alors que l’idole est un prétexte pour se placer soi-même au centre de la réalité, dans l’adoration de l’oeuvre de ses propres mains. Une fois perdue l’orientation fondamentale qui donne unité à son existence, l’homme se disperse dans la multiplicité de ses désirs. Se refusant à attendre le temps de la promesse, il se désintègre dans les mille instants de son histoire. Pour cela l’idolâtrie est toujours un polythéisme, un mouvement sans but qui va d’un seigneur à l’autre. L’idolâtrie n’offre pas un chemin, mais une multiplicité de sentiers, qui ne conduisent pas à un but certain et qui prennent plutôt l’aspect d’un labyrinthe. Celui qui ne veut pas faire confiance à Dieu doit écouter les voix des nombreuses idoles qui lui crient : « Fais-moi confiance ! ». Dans la mesure où la foi est liée à la conversion, elle est l’opposé de l’idolâtrie ; elle est une rupture avec les idoles pour revenir au Dieu vivant, au moyen d’une rencontre personnelle. Croire signifie s’en remettre à un amour miséricordieux qui accueille toujours et pardonne, soutient et oriente l’existence, et qui se montre puissant dans sa capacité de redresser les déformations de notre histoire. La foi consiste dans la disponibilité à se laisser transformer toujours de nouveau par l’appel de Dieu. Voilà le paradoxe : en se tournant continuellement vers le Seigneur, l’homme trouve une route stable qui le libère du mouvement de dispersion auquel les idoles le soumettent.

14. Dans la foi d’Israël apparaît aussi la figure de Moïse, le médiateur. Le peuple ne peut pas voir le visage de Dieu ; c’est Moïse qui parle avec YHWH sur la montagne et qui rapporte à tous la volonté du Seigneur. Avec cette présence du médiateur, Israël a appris à marcher en étant uni. L’acte de foi de chacun s’insère dans celui d’une communauté, dans le « nous » commun du peuple qui, dans la foi, est comme un seul homme, « mon fils premier-né » comme Dieu appellera Israël tout entier (cf. Ex 4, 22). La médiation ne devient pas ici un obstacle, mais une ouverture : dans la rencontre avec les autres, le regard s’ouvre à une vérité plus grande que nous-mêmes. J.J. Rousseau se plaignait de ne pas pouvoir voir Dieu personnellement : « Que d’hommes entre Dieu et moi ! »; « Est-ce aussi simple et naturel que Dieu ait été chercher Moïse pour parler à Jean-Jacques Rousseau ? ». À partir d’une conception individualiste et limitée de la connaissance, on ne peut comprendre le sens de la médiation, — cette capacité à participer à la vision de l’autre, ce savoir partagé qui est le savoir propre de l’amour. La foi est un don gratuit de Dieu qui demande l’humilité et le courage d’avoir confiance et de faire confiance, afin de voir le chemin lumineux de la rencontre entre Dieu et les hommes, l’histoire du salut.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire