VOYAGE APOSTOLIQUE A RIO DE JANEIRO (BRESIL) POUR LES 28e JOURNEES MONDIALES DE LA JEUNESSE - Homélie du Pape François lors de la messe célébrée avec les évêques, les prêtres, les religieux et les séminaristes en la Cathédrale Saint-Sébastien de Rio de Janeiro.
Bien-aimés frères dans le Christ !
En regardant cette cathédrale remplie d’Évêques, de prêtres, de séminaristes, de religieux et religieuses venus du monde entier, je pense aux paroles du Psaume de la messe d’aujourd’hui : « Que les peuples, Dieu, te rendent grâce » (Ps 66). Oui, nous sommes ici pour rendre grâce au Seigneur, et nous le faisons en réaffirmant notre volonté d’être ses instruments afin que non seulement quelques peuples rendent grâce à Dieu, mais tous. Avec la même parresia de Paul et Barnabé, nous voulons annoncer l’Évangile à nos jeunes, pour qu’ils rencontrent le Christ et deviennent constructeurs d’un monde plus fraternel. En ce sens, je voudrais réfléchir avec vous sur trois aspects de notre vocation : appelés par Dieu ; appelés pour annoncer l’Évangile ; appelés pour promouvoir la culture de la rencontre.
1. Appelés par Dieu. Je crois qu’il est important de raviver toujours en nous cette réalité, que souvent nous tenons pour acquise au milieu de tant d’engagements quotidiens : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis », nous dit Jésus (Jn 15, 16). C’est retourner à la source de notre appel. C’est pourquoi un évêque, un prêtre, un consacré, une consacrée, un séminariste, ne peut pas être « amnésique » : il perd la référence essentielle au moment initial de son cheminement. Demandez la grâce, demandez-la à la Vierge, elle qui avait une bonne mémoire ; demandez la grâce d’être des personne qui gardent la mémoire de ce premier appel. Nous avons été appelés par Dieu et appelés pour demeurer avec Jésus (cf. Mc 3, 14), unis à lui. En réalité, ce fait de vivre, ce fait de demeurer dans le Christ marque tout ce que nous sommes et faisons. C’est précisément cette « vie en Christ » qui garantit notre efficacité apostolique, la fécondité de notre service : Je vous ai établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit, et que votre fruit soit authentique (cf. Jn 15, 16). Ce n’est pas la créativité aussi pastorale qu’elle soit, ce ne sont pas les rencontres ou les planifications qui assurent les fruits, même si elles aident et beaucoup, mais ce qui assure le fruit, c’est le fait d’être fidèles à Jésus, qui nous dit avec insistance : « Demeurez en moi, comme moi en vous » (Jn 15, 4). Et nous savons bien ce que cela signifie : le contempler, l’adorer et l’embrasser dans notre rencontre quotidienne avec lui, dans l’Eucharistie, dans notre vie de prière, dans nos moments d’adoration ; et aussi le reconnaître présent et l’embrasser dans les personnes les plus nécessiteuses. Le fait de « demeurer » avec le Christ ne signifie pas s’isoler, mais c’est demeurer pour aller à la rencontre des autres. Je veux rappeler ici quelques paroles de la bienheureuse Mère Teresa de Calcutta. Elle disait ainsi : « Nous devons être très fiers de notre vocation qui nous donne l’opportunité de servir le Christ dans les pauvres. C’est dans les ‘favellas’, dans …, dans les ‘villas miseria’, que l’on doit aller chercher et servir le Christ. Nous devons aller chez eux comme le prêtre se rend à l’autel, avec joie » (Mother Instructions, I, p. 80). Jésus est le Bon Pasteur, est notre vrai trésor ; s’il vous plaît, ne l’effaçons pas de notre vie ! Fixons toujours plus en lui notre cœur (cf. Lc 12, 34).
2. Appelés pour annoncer l’Évangile. Beaucoup d’entre vous, chers Évêques et prêtres, sinon tous, êtes venus pour accompagner vos jeunes à leurs Journées mondiales. Eux aussi ont entendu les paroles du mandat de Jésus : « Allez, de toutes les nations faites des disciples » (cf. Mt 28, 19). C’est notre engagement de pasteurs de les aider à faire brûler dans leur cœur le désir d’être des disciples missionnaires de Jésus. Certes, beaucoup pourraient se sentir un peu effrayés face à cette invitation, pensant qu’être missionnaire signifie laisser nécessairement son pays, sa famille et ses amis. Dieu demande que nous soyons missionnaires. Où sommes-nous ? Là où lui-même nous place, dans notre pays ou là où lui nous met. Aidons les jeunes ! Prêtons-leur une oreille attentive pour écouter leurs illusions – ils ont besoin d’être écoutés –, pour écouter leurs succès, pour écouter leurs difficultés. Il faut s’asseoir, écoutant, peut-être, le même livret, mais avec une musique différente, avec des identités différentes. La patience d’écouter ! C’est ce que je vous demande de tout mon cœur ! Au confessionnal, dans la direction spirituelle, dans l’accompagnement. Sachons perdre du temps avec eux. Semer coûte et fatigue, fatigue beaucoup ! Et c’est beaucoup plus gratifiant de jouir de la récolte ! Quelle fourberie ! Tous nous jouissons plus de la récolte ! Pourtant, Jésus nous demande de semer sérieusement.
N’économisons pas nos forces dans la formation des jeunes ! S’adressant à ses chrétiens, saint Paul utilise une expression, qu’il a fait devenir réalité dans sa vie: « Mes petits enfants, vous que j’enfante à nouveau dans la douleur jusqu’à ce que le Christ ait pris forme chez vous » (Ga 4, 19). Nous aussi faisons-la devenir réalité dans notre ministère ! Aider nos jeunes à redécouvrir le courage et la joie de la foi, la joie d’être aimés personnellement de Dieu, c’est très difficile, mais quand un jeune le comprend, quand un jeune le sent par l’onction que lui donne l’Esprit Saint, ce fait d’« être aimé personnellement de Dieu » l’accompagne ensuite toute sa vie ; redécouvrir la joie que Dieu a donné son Fils Jésus pour notre salut.
Les éduquer, dans la mission, à sortir, à partir, à être « callejeros de la fe » [nomades de la foi]. Jésus a fait ainsi avec ses disciples : il ne les a pas tenus attachés à lui comme une mère poule avec ses poussins ; il les a envoyés ! Nous ne pouvons pas rester enfermés dans la paroisse, dans nos communautés, dans notre institution paroissiale ou dans notre institution diocésaine, quand tant de personnes attendent l’Évangile ! Sortir, envoyés. Ce n’est pas simplement ouvrir la porte, pour qu’ils viennent, pour accueillir, mais c’est sortir par la porte pour chercher et rencontrer ! Poussons les jeunes pour qu’ils sortent ! C’est sûr qu’ils feront des stupidités. N’ayons pas peur ! Les Apôtres les ont faites avant nous. Poussons-les à sortir. Pensons avec décision à la pastorale en partant de la périphérie, en partant de ceux qui sont les plus loin, de ceux qui d’habitude ne fréquentent pas la paroisse. Ils sont les invités VIP. Allez les chercher aux carrefours des routes.
Les éduquer, dans la mission, à sortir, à partir, à être « callejeros de la fe » [nomades de la foi]. Jésus a fait ainsi avec ses disciples : il ne les a pas tenus attachés à lui comme une mère poule avec ses poussins ; il les a envoyés ! Nous ne pouvons pas rester enfermés dans la paroisse, dans nos communautés, dans notre institution paroissiale ou dans notre institution diocésaine, quand tant de personnes attendent l’Évangile ! Sortir, envoyés. Ce n’est pas simplement ouvrir la porte, pour qu’ils viennent, pour accueillir, mais c’est sortir par la porte pour chercher et rencontrer ! Poussons les jeunes pour qu’ils sortent ! C’est sûr qu’ils feront des stupidités. N’ayons pas peur ! Les Apôtres les ont faites avant nous. Poussons-les à sortir. Pensons avec décision à la pastorale en partant de la périphérie, en partant de ceux qui sont les plus loin, de ceux qui d’habitude ne fréquentent pas la paroisse. Ils sont les invités VIP. Allez les chercher aux carrefours des routes.
3. Etre appelés par Jésus, être appelés pour évangéliser, et troisièmement : être appelés à promouvoir la culture de la rencontre. Dans beaucoup de milieux, et en général dans cet humanisme économiste qui nous a été imposé dans le monde, s’est développée une culture de l’exclusion, une « culture du rebut ». Il n’y a de place ni pour l’ancien ni pour l’enfant non voulu ; il n’y a pas de temps pour s’arrêter avec ce pauvre dans la rue. Parfois il semble que pour certains, les relations humaines soient régulées par deux “dogmes” modernes : efficacité et pragmatisme. Chers Évêques, prêtres, religieux, religieuses et vous aussi séminaristes qui vous préparez au ministère, ayez le courage d’aller à contre-courant de cette culture. Avoir le courage ! Rappelez-vous d’une chose, ça me fait beaucoup de bien et je le médite fréquemment : prenez le Premier Livre des Maccabées, rappelez-vous quand beaucoup voulurent se modeler sur la culture de l’époque : « Non… ! Laissons, non… ! Mangeons tout, comme tout le monde… Bien, la loi oui, mais pas trop… ». Et ils finirent par laisser la foi pour se mettre dans le courant de cette culture. Ayez le courage d’aller à contre-courant de cette culture maniaque de l’efficacité, de cette culture du rebut. La rencontre et l’accueil de tous, la solidarité – un mot qu’on cache dans cette culture, comme si c’était un gros mot –, la solidarité et la fraternité, sont les éléments qui rendent notre civilisation vraiment humaine.
Être serviteurs de la communion et de la culture de la rencontre ! Je veux que vous soyez comme obsédés en ce sens. Et soyez-le sans être présomptueux, en imposant “nos vérités”, mais au contraire guidés par l’humble et heureuse certitude de celui qui a été trouvé, rejoint et transformé par la Vérité qui est le Christ et qui ne peut pas ne pas l’annoncer (cf. Lc 24, 13-35).
Chers frères et sœurs, nous sommes appelés par Dieu, par notre prénom et notre nom, chacun de nous, appelés à annoncer l’Évangile et à promouvoir avec joie la culture de la rencontre. Que la Vierge Marie est notre modèle ! Dans sa vie elle a été « le modèle de cet amour maternel dont doivent être animés tous ceux qui, associés à la mission apostolique de l'Église, travaillent à la régénération des hommes » (Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm.Lumen gentium, n. 65). Nous lui demandons de nous enseigner à nous retrouver chaque jour avec Jésus. Et quand nous faisons semblant de rien, parce que nous avons beaucoup de choses à faire, et que le tabernacle est abandonné, qu’elle nous prenne par la main. Demandons-le-lui ! Regarde, Mère, quand je suis désorienté, prends-moi par la main. Qu’elle nous pousse à sortir à la rencontre de tant de frères et sœurs qui sont à la périphérie, qui ont soif de Dieu et n’ont personne pour le leur annoncer. Qu’elle ne nous jette pas hors de chez nous, mais qu’elle nous pousse à sortir de chez nous, et qu’ainsi nous soyons des disciples du Seigneur. Qu’elle nous accorde à tous cette grâce.
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