samedi 29 juin 2013

Porter atteinte à la foi revient à porter atteinte à la communion avec le Seigneur

Lettre Encyclique Lumen Fidei du Pape François sur la foi.


47. L’unité de l’Église, dans le temps et dans l’espace, est liée à l’unité de la foi : « il n’y a qu’un Corps et qu’un Esprit (…) comme il n’y a qu’une seule foi » (Ep 4, 4-5). Il peut sembler aujourd’hui réalisable que les hommes s’unissent dans un engagement commun, le désir du bien, le partage d’une même destinée, un but commun. Mais il est très difficile de concevoir une unité dans la même vérité. Il semble qu’une unité de ce genre s’oppose à la liberté de pensée et à l’autonomie du sujet. L’expérience de l’amour nous dit au contraire que c’est justement dans l’amour qu’il est possible d’avoir une vision commune ; qu’en lui nous apprenons à voir la réalité avec les yeux de l’autre, et que cela n’appauvrit pas mais enrichit notre regard. Le véritable amour, à la mesure de l’amour divin, exige la vérité et, dans le regard commun de la vérité qui est Jésus Christ, devient solide et profond. L’unité de vision en un seul corps et en un seul esprit, est aussi joie de la foi. En ce sens saint Léon le Grand pouvait affirmer : « Si la foi n’est pas une, elle n’est pas la foi ».

Quel est le secret de cette unité ? La foi est une, en premier lieu, en raison de l’unité du Dieu connu et confessé. Tous les articles de foi se réfèrent à Lui, ils sont les chemins pour connaître son être et son agir. En conséquence ils ont une unité supérieure à toute autre unité que nous pourrions construire par notre pensée ; ils possèdent l’unité qui nous enrichit parce qu’elle se communique à nous et nous rend « un ».

En outre, la foi est une parce qu’elle se réfère à l’unique Seigneur, à la vie de Jésus, à son histoire concrète qu’il partage avec nous. Saint Irénée de Lyon l’a clairement affirmé contre les hérétiques gnostiques. Ceux-ci soutenaient l’existence de deux types de foi : une foi grossière, imparfaite, celle des simples, qui restait au niveau de la chair du Christ et de la contemplation de ses mystères ; et un autre type de foi plus profond et plus parfait, la vraie foi, réservée à un petit cercle d’initiés qui s’élevait par l’intelligence au-delà de la chair de Jésus jusqu’aux mystères de la divinité inconnue. Devant cette prétention, qui continue à séduire et qui a ses adeptes encore de nos jours, saint Irénée affirme qu’il n’y a qu’une seule foi, parce que celle-ci passe toujours par le concret de l’Incarnation, sans jamais faire abstraction de la chair ni de l’histoire du Christ, puisque Dieu a voulu s’y révéler pleinement. C’est pour cela qu’il n’y a pas de différence entre la foi de « celui qui est capable d’en parler longuement » et la foi de « celui qui en parle peu », de celui qui a des capacités et de celui qui en a moins : ni le premier ne peut augmenter la foi, ni le second la diminuer.

Enfin, la foi est une parce qu’elle est partagée par toute l’Église, qui est un seul corps et un seul Esprit. Dans la communion de cet unique sujet qu’est l’Église, nous recevons un regard commun. En confessant la même foi, nous nous appuyons sur le même roc, nous sommes transformés dans le même Esprit d’amour, nous rayonnons d’une lumière unique, et nous pénétrons la réalité d’un seul regard.

48. Étant donné qu’il n’y a qu’une seule foi, celle-ci doit être confessée dans toute sa pureté et son intégrité. C’est bien parce que tous les articles de foi sont reliés entre eux et ne font qu’un, qu’en nier un seul, même celui qui semblerait de moindre importance, revient à porter atteinte à tout l’ensemble. Chaque époque peut rencontrer plus ou moins de difficultés à admettre certains points de la foi : il est donc important de veiller, afin que le dépôt de la foi soit transmis dans sa totalité (cf. 1 Tm 6, 20), et pour que l’on insiste opportunément sur tous les aspects de la confession de foi. Et puisque l’unité de la foi est l’unité de l’Église, retirer quoique ce soit à la foi revient à retirer quelque chose à la vérité de la communion. Les Pères ont décrit la foi comme un corps, le corps de la vérité, avec plusieurs membres, par analogie avec le Corps du Christ et son prolongement dans l’Église. L’intégrité de la foi a été aussi liée à l’image de l’Église vierge, à sa fidélité dans l’amour sponsal pour le Christ : porter atteinte à la foi revient à porter atteinte à la communion avec le Seigneur. L’unité de la foi est donc celle d’un organisme vivant, comme l’a bien remarqué le bienheureux John Henry Newman lorsqu’il comptait, parmi les notes caractérisant la continuité de la doctrine dans le temps, sa capacité d’assimiler tout ce qu’elle trouve dans les divers milieux où elle est présente et les différentes cultures qu’elle rencontre, purifiant toute chose et la portant à sa parfaite expression. Ainsi la foi se montre universelle, catholique, parce que sa lumière grandit pour illuminer tout le cosmos et toute l’histoire.

49. Au service de l’unité de la foi et de sa transmission complète, le Seigneur a fait à l’Église le don de la succession apostolique. Par elle, la continuité de la mémoire de l’Église est assurée, et il est possible d’atteindre avec certitude la source pure d’où surgit la foi. Le lien avec l’origine est donc garanti par des personnes vivantes, ce qui correspond à la foi vivante que l’Église transmet. Elle s’appuie sur la fidélité des témoins qui ont été choisis par le Seigneur à cette fin. C’est pour cela que le Magistère s’exprime toujours dans l’obéissance à la Parole originelle sur laquelle est fondée la foi. Il est digne de confiance parce qu’il se fie à cette Parole qu’il écoute, garde et explique. Dans le discours d’adieu aux anciens d’Éphèse, à Milet, que saint Luc raconte dans les Actes des Apôtres, saint Paul témoigne d’avoir accompli la charge que le Seigneur lui a confiée d’ « annoncer toute la volonté de Dieu » (Ac 20, 27). C’est par le Magistère de l’Église que peut nous parvenir intacte cette volonté, et avec elle la joie de pouvoir pleinement l’accomplir.

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