Deuxième
question : "Saint Père, mon expérience est
celle de la vie quotidienne, comme tant d’autres. J’essaie de vivre ma foi dans
mon milieu de travail, au contact avec les autres, comme le témoignage sincère
du bien que j’ai reçu à travers ma rencontre avec le Seigneur. Je suis, nous
sommes des « pensées de Dieu », investis par un amour mystérieux qui
nous a donné la vie. Je suis enseignante dans une école et la conscience de
cette réalité me donne un motif pour me passionner pour mes jeunes et pour mes
collègues. Je constate souvent que beaucoup cherchent le bonheur sur des
chemins où la vie et ses grandes questions se réduisent souvent au matérialisme
de ceux qui veulent tout avoir et qui restent toujours insatisfaits, ou au
nihilisme qui ne trouve de sens en rien. Je me demande comment la proposition
de la foi, qui est celle d’une relation personnelle, d’une communauté, d’un
peuple, peut rejoindre le cœur de l’homme et de la femme de notre temps. Nous
sommes faits pour l’infini – « misez votre vie sur de grandes
choses », nous avez-vous dit récemment – et pourtant, autour de nous et de
nos jeunes, tout semble dire qu’il faut se contenter de réponses médiocres,
immédiates, et que l’homme doit s’adapter à la finitude sans chercher autre
chose. Parfois, nous sommes intimidés, comme les disciples à la veille de la Pentecôte. L’Église nous invite à la nouvelle
évangélisation. Je pense que nous tous, qui sommes ici, nous ressentons
fortement ce défi qui est au cœur de nos expériences. C’est pourquoi je
voudrais vous demander, Saint-Père, de m’aider et de nous aider tous à
comprendre comment vivre ce défi de notre temps. Quel est, pour vous, le plus
important, ce vers quoi nous tous, mouvements, associations et communautés,
nous devons regarder pour mettre en œuvre la tâche à laquelle nous sommes
appelés ? Comment communiquer efficacement la foi aujourd’hui ?"
Réponse du pape François : Je dirai seulement trois mots.
Le premier, c’est Jésus. Quel est
le plus important ? C’est Jésus. Si nous nous appuyons sur l’organisation,
sur d’autres choses, de belles choses, mais sans Jésus, nous n’avançons pas, ça
ne va pas. Jésus est plus important. Maintenant, je voudrais vous adresser un
petit reproche, mais fraternellement, entre nous. Vous avez tous crié sur la
place : « François, François, pape François ». Mais Jésus, où
était-il ? J’aurais voulu que vous criiez : « Jésus, Jésus est
le Seigneur, et il est vraiment au milieu de nous ». Dorénavant, pas de
« François », mais « Jésus » !
Le second mot est : la prière.
Regarder le visage de Dieu, mais surtout, et c’est lié à ce que j’ai dit avant,
se sentir regardé. Le Seigneur nous regarde, il nous regarde le premier. C’est
ce que j’expérimente devant le sagrario [le tabernacle] quand je vais prier,
le soir, devant le Seigneur. Quelquefois, je m’endors un peu ; c’est vrai,
parce qu’avec la fatigue de la journée, tu t’endors un peu. Mais lui, il me
comprend. Et je ressens un tel réconfort quand je pense qu’il me regarde. Nous
pensions que nous devons prier, parler, parler, parler… Non ! Laisse-toi
regarder par le Seigneur. Lorsqu’il nous regarde, il nous donne la force et
nous aide à témoigner de lui - parce que la question était sur le témoignage de
la foi, non ? Avant, « Jésus », puis « la prière » -
nous sentons que Dieu nous tient par la main. Je souligne alors l’importance de
ceci : se laisser guider par lui. C’est plus important que n’importe quel
calcul. Nous sommes de vrais évangélisateurs en nous laissant guider par Jésus.
Pensons à Pierre ; peut-être faisait-il la sieste, après le repas, et il a
eu une vision, la vision de la nappe avec tous les animaux, et il a entendu que
Jésus lui disait quelque chose, mais il n’a pas compris. A ce moment-là,
plusieurs non-juifs sont venus le chercher pour aller dans une maison, et il a
vu que l’Esprit-Saint était là. Pierre s’est laissé guider par Jésus pour
arriver à cette première évangélisation des Gentils, qui n’étaient pas
juifs : c’était quelque chose d’inimaginable à cette époque (cf. Ac 10,
9-33). Et ainsi toute l’histoire, toute l’histoire ! Se laisser guider par
Jésus. Il est vraiment le leader,
notre leader, c’est
Jésus.
Et troisièmement, le témoignage.
Jésus, la prière – la prière : se laisser guider par lui – et ensuite le
témoignage. Mais je voudrais ajouter quelque chose. Se laisser guider par Jésus
te conduit aux surprises de Jésus. On peut penser que l’évangélisation, nous
devons la programmer autour d’une table, en pensant à des stratégies, en
faisant des projets. Mais ce sont des instruments, de petits instruments.
L’important, c’est Jésus et de se laisser guider par lui. Ensuite, nous pouvons
faire des stratégies, mais c’est secondaire.
Enfin, le témoignage : la
communication de la foi ne peut se faire que par le témoignage et c’est
l’amour. Non pas avec nos idées, mais avec l’évangile vécu dans notre existence
et que l’Esprit-Saint fait vivre au-dedans de nous. C’est comme une synergie
entre nous et l’Esprit-Saint, et cela conduit au témoignage. L’Église, ce sont
les saints qui la font avancer, ce sont eux qui donnent ce témoignage. Comme
l’ont dit Jean-Paul II et Benoît XVI, le monde d’aujourd’hui a un grand besoin
de témoins. Pas tellement de maîtres, mais de témoins. Ne parlez pas trop, mais
parlez par toute votre vie : la cohérence de vie, précisément, la
cohérence de vie ! Une cohérence de vie qui consiste à vivre le
christianisme comme une rencontre avec Jésus qui m’amène aux autres, et non
comme un fait social. Socialement, nous sommes comme ça, nous sommes des
chrétiens, renfermés sur nous-mêmes. Non, pas cela ! Le témoignage !
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