Discours du Pape François aux participants au pélerinage du diocèse de Brescia (Italie).
Chers frères et sœurs du diocèse de Brescia, bonjour !
Je vous remercie parce que vous m’offrez la possibilité de partager avec vous le souvenir du vénérable serviteur de Dieu Paul VI. Je vous salue tous avec affection, à commencer par votre évêque, Mgr Luciano Monari, à qui je suis reconnaissant pour ses aimables paroles. Je salue les prêtres, les religieuses et les religieux et les fidèles laïcs. Cela est votre pèlerinage en l’Année de la foi, et il est beau que vous ayez voulu le faire pour le 50eanniversaire de l’élection de votre grand compatriote Paul VI.
Il y aurait tant de choses que je voudrais dire et rappeler de ce grand Pontife. En pensant à lui, je me limiterai à trois aspects fondamentaux qu’il nous a témoignés et enseignés, en laissant ses paroles passionnées les illustrer : l’amour pour le Christ, l’amour pour l’Église et l’amour pour l’homme. Ces trois mots sont des attitudes fondamentales, mais aussi passionnées de Paul VI.
Paul VI a su témoigner, dans des années difficiles, de la foi en Jésus Christ. Son invocation, plus vivante que jamais, résonne encore : « Tu nous es nécessaire ô Christ ! ». Oui, Jésus est plus que jamais nécessaire à l’homme d’aujourd’hui, au monde d’aujourd’hui, parce que, dans les déserts de la ville séculière, il nous parle de Dieu, il nous révèle son visage. L’amour total pour le Christ émerge dans toute la vie de Montini, même dans le choix de son nom comme Pape, motivé par ces mots : c’est l’apôtre « qui de manière suprême aima le Christ, qui dans une mesure souveraine désira et s’efforça d’apporter l’Évangile du Christ à toutes les nations, qui par amour pour le Christ offrit sa vie » (Homélie [30 juin 1963] : AAS 55 [1963], 619). Et il indiquait cette même totalité au Concile dans le discours d’ouverture de la deuxième session à Saint-Paul-hors-les-murs en montrant la grande mosaïque de la basilique où le Pape Honorius III apparaît en proportions minuscules au pied de la grande figure du Christ. Ainsi était l’assemblée du Concile : aux pieds du Christ, pour être ses serviteurs et serviteurs de son Évangile (cf. Discours [29 septembre 1963] : AAS 55 [1963], 846-847).
Un amour profond pour le Christ non pour le posséder mais pour l’annoncer. Rappelons-nous ses paroles passionnées à Manille : « Christ ! Oui, je sens la nécessité de l’annoncer, je ne peux pas le taire ! … Il est le révélateur de Dieu invisible, il est le premier né de toute créature, il est le fondement de toute chose ; il est le Maître de l’humanité, il est le Rédempteur ; … Il est le centre de l’histoire et du monde ; il est Celui qui nous connaît et nous aime ; Il est le compagnon et l’ami de notre vie ; il est l’homme de la douleur et de l’espérance ; il est Celui qui doit venir, qui doit un jour être notre juge et, nous l’espérons, la plénitude éternelle de notre existence, notre bonheur » (Homélie [27 novembre 1970] : AAS 63 [1971], 32). Mais je vous confie une chose : ce discours à Manille, mais aussi celui de Nazareth, ont été pour moi une force spirituelle, ils m’ont fait tant de bien dans la vie. Et je reviens à ce discours, j’y viens et j’y reviens, parce que cela me fait du bien d’entendre ces paroles de Paul VI aujourd’hui. Et nous, avons-nous le même amour pour le Christ ? Est-il le centre de notre vie ? Témoignons-nous de lui dans les actions de chaque jour ?
Le deuxième point : l’amour pour l’Église, un amour passionné, l’amour de toute une vie, joyeux et souffert, exprimé dès sa première encyclique, Ecclesiam suam. Paul VI a pleinement vécu le travail de l’Église après Vatican II, les lumières, les espérances, les tensions. Il a aimé l’Église et il s’est dépensé pour elle sans réserve. Dans Pensée à la mort, il écrivait : « Je voudrais l’embrasser, la saluer, l’aimer en tout être qui la compose, en tout évêque et prêtre qui l’assiste et la guide, en toute âme qui la vit et l’illustre ». Et dans le Testament il s’adressait à elle avec ces mots : « Reçois avec mon salut bénissant mon suprême acte d’amour ! » (Insegnamenti XVI [1978], 592). Cela est le cœur du vrai pasteur, d’un authentique chrétien, d’un homme capable d’aimer ! Paul VI avait une vision bien claire que l’Église est une Mère qui apporte le Christ et conduit au Christ. Dans l’exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, qui est pour moi le plus grand document pastoral écrit à ce jour, il posait cette question : « Après le Concile et grâce au Concile, qui a été pour elle une heure de Dieu en ce tournant de l’histoire, l’Église se trouve-t-elle, oui ou non, plus apte à annoncer l’Évangile et à l’insérer dans le cœur de l’homme avec conviction, liberté d’esprit et efficacité ? » (8 décembre 1975, n. 4 : AAS 68 [1976], 7). Et il continuait : l’Église « est-elle vraiment ancrée au cœur du monde et pourtant assez libre et indépendante pour s’adresser au monde ? Fait-elle preuve de solidarité avec les hommes et témoigne-t-elle en même temps de l’Absolu de Dieu ? Est-elle plus ardente dans la contemplation et l’adoration et plus zélée dans l’action missionnaire, caritative, libératrice ? Est-elle toujours plus engagée dans les efforts qui cherchent à rétablir la pleine unité des chrétiens, laquelle rend plus efficace le témoignage commun “afin que le monde croie” ? » (ibid., n. 76 : AAS 68 [1976], 67). Ce sont des questions adressées aussi à notre Église d’aujourd’hui, à nous tous, nous sommes tous responsables des réponses et nous devrions nous demander : sommes-nous vraiment une Église unie au Christ, pour sortir et l’annoncer à tous, même et surtout à celles que j’appelle les « périphéries existentielles », ou sommes-nous enfermés en nous-mêmes, dans nos groupes, dans nos petites églises ? Ou aimons-nous la grande Église, l’Église mère, l’Église qui nous envoie en mission et nous fait sortir de nous-mêmes ?
Et le troisième élément : l’amour pour l’homme. Celui-ci aussi est lié au Christ : c’est la même passion de Dieu qui nous pousse à rencontrer l’homme, à le respecter, à le connaître, à le servir. Au cours de la dernière session du Concile Vatican II, Paul VI prononça un discours qui à la relecture frappe à chaque fois. En particulier là où il parle de l’attention du Concile pour l’homme contemporain. Il dit ainsi : « L’humanisme laïc profane à la fin est apparu dans sa terrible stature et il a, en un certain sens, défié le Concile. La religion de Dieu qui s’est fait Homme a rencontré la religion de l’homme qui s’est fait Dieu. Que s’est-il passé ? Un conflit, une lutte, un anathème ? Cela aurait pu arriver, mais cela n’est pas advenu. L’antique histoire du Samaritain a été le paradigme de la spiritualité du Concile. Une sympathie immense l’a tout pénétré. La découverte des besoins humains... Donnez-lui mérite au moins de cela, vous les humanistes modernes, qui avez renoncé à la transcendance des choses suprêmes, et vous reconnaîtrez notre nouvel humanisme : nous aussi, nous plus que tous, nous rendons culte à l’homme » (Homélie [7 décembre 1965] : AAS 58 [1966], 55-56). Et avec un regard global sur le travail du Concile, il observait : « Toute cette richesse doctrinale est tournée dans une seule direction : servir l’homme. L’homme, disons-nous, dans toutes ses conditions, dans toutes ses infirmités, dans toutes ses nécessités. L’Église s’est déclarée la servante de l’humanité » (ibid., 57). Et cela aujourd’hui aussi nous apporte la lumière, dans ce monde où l’on nie l’homme, où l’on préfère marcher sur la route du gnosticisme, sur la route du pélagianisme, ou du « pas de chair » — un Dieu qui ne s’est pas fait chair —, ou du « pas de Dieu » — l’homme prométhéen qui peut aller de l’avant. À notre époque, nous pouvons dire la même chose que Paul VI : l’Église est la servante de l’homme, l’Église croit dans le Christ qui est venu dans la chair et donc sert l’homme, aime l’homme, croit dans l’homme. Telle est l’inspiration du grand Paul VI.
Chers amis, nous retrouver au nom du vénérable serviteur de Dieu Paul VI, nous fait du bien ! Son témoignage alimente en nous la flamme de l’amour pour le Christ, de l’amour pour l’Église, de l’élan à annoncer l’Évangile à l’homme d’aujourd’hui, avec miséricorde, avec patience, avec courage, avec joie. C’est pourquoi, encore une fois, je vous remercie. Je confie tous à la Vierge Marie, Mère de l’Église, et je vous bénis tous de tout cœur, avec ceux qui vous sont chers, en particulier les enfants et les malades.
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