Discours du Pape François aux participants à l'Assemblée Plénière du Conseil Pontifical pour la Famille.
Messieurs les cardinaux, chers frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce, chers frères et sœurs,
[...] Le premier point sur lequel je voudrais m’arrêter est celui-ci : la famille est une communauté de vie qui a une consistance autonome. Comme l’a écrit le bienheureux Jean-Paul II dans l’exhortation apostolique Familiaris consortio, la famille n’est pas la somme des personnes qui la constituent, mais une « communauté de personnes » (cf. nn. 17-18). Et une communauté est plus que la somme des personnes. Elle est le lieu où l’on apprend à aimer, le centre naturel de la vie humaine. Elle est faite de visages, de personnes qui aiment, qui dialoguent, qui se sacrifient les unes pour les autres et qui défendent la vie, en particulier la plus fragile, la plus faible. On pourrait dire, sans exagérer, que la famille est le moteur du monde et de l’histoire. Chacun de nous construit sa propre personnalité en famille, en grandissant avec sa mère et son père, ses frères et ses sœurs, en respirant la chaleur du foyer. La famille est le lieu où nous recevons notre nom, elle est le lieu des liens d’affection, l’espace de l’intimité, où l’on apprend l’art du dialogue et de la communication interpersonnelle. Dans la famille la personne prend conscience de sa propre dignité et, en particulier si l’éducation est chrétienne, elle reconnaît la dignité de chaque personne, de manière particulière de celle qui est malade, faible, exclue.
Tout cela est la communauté- famille, qui demande à être reconnue comme telle, encore davantage aujourd’hui, alors que prévaut la protection des droits individuels. Et nous devons défendre le droit de cette communauté : la famille. C’est pourquoi vous avez bien fait de porter une attention particulière à la Charte des droits de la famille, présentée il y a précisément trente ans, le 22 octobre 1983.
Venons-en au deuxième point — on dit que nous jésuites, nous parlons toujours par trois : trois points : un, deux, trois. Deuxième point : la famille se fonde sur le mariage. À travers un acte d’amour libre et fidèle, les époux chrétiens témoignent que le mariage, en tant que sacrement, est la base sur laquelle se fonde la famille et rend plus solide l’union des conjoints et leur don réciproque. Le mariage est comme une sorte de premier sacrement de l’humain, où la personne se découvre elle-même, s’auto-comprend en relation aux autres et en relation à l’amour qu’elle est capable de recevoir et de donner. L’amour sponsal et familial révèle aussi clairement la vocation de la personne à aimer de manière unique et pour toujours, et que les épreuves, les sacrifices et les crises du couple, ainsi que de la famille elle-même, représentent des passages pour grandir dans le bien, dans la vérité et dans la beauté. Dans le mariage, on se donne complètement, sans calculs ni réserves, en partageant tout, les dons et les sacrifices, en s’en remettant à la Providence de Dieu. Telle est l’expérience que les jeunes peuvent apprendre de leurs parents et de leurs grands-parents. C’est une expérience de foi en Dieu et de confiance réciproque, de liberté profonde, de sainteté, parce que la sainteté suppose de se donner avec fidélité et sacrifice chaque jour de la vie ! Mais il existe des problèmes dans le mariage. Il y a toujours divers points de vue, des jalousies, on se dispute. Mais il faut dire aux jeunes époux de ne jamais finir la journée sans faire la paix entre eux. Le sacrement du mariage est renouvelé dans cet acte de paix après une discussion, un malentendu, une jalousie cachée, même un péché. Faire la paix qui donne l’unité à la famille ; et il faut dire cela aux jeunes, aux jeunes couples, qu’il n’est pas facile de prendre cette route, mais elle est si belle cette route, si belle. Il faut le dire !
Je voudrais à présent mentionner au moins deux phases de la vie familiale : l’enfance et la vieillesse. Les enfants et les personnes âgées représentent les deux pôles de la vie et aussi les plus vulnérables, souvent les plus oubliés. Quand je confesse un homme ou une femme mariés, jeunes, et que dans la confession on en vient à parler d’un fils ou d’une fille, je demande : mais combien d’enfants avez-vous ? Et ils me le disent, peut-être en attendant une autre question après celle-ci. Mais moi je pose toujours cette deuxième question : Et dites-moi, Monsieur ou Madame, est-ce que vous jouez avec vos enfants ? — Comment mon Père ? — Est-ce que vous perdez du temps avec vos enfants ? Est-ce que vous jouez avec vos enfants ? — Mais non, vous savez, quand je sors de chez moi le matin — me dit l’homme — tout le monde dort encore et quand je reviens ils sont couchés. La gratuité, cette gratuité du papa et de la maman avec leurs enfants, est aussi très importante : « perdre du temps » avec ses enfants, jouer avec ses enfants. Une société qui abandonne les enfants et qui exclut les personnes âgées coupe ses propres racines et assombrit son avenir. Et vous, réfléchissez-vous à ce que fait notre culture aujourd’hui ou pas ? Avec cette méthode. Chaque fois qu’un enfant est abandonné et qu’une personne âgée est laissée pour compte, on accomplit non seulement un acte d’injustice, mais on enregistre aussi l’échec de cette société. Prendre soin des petits et des personnes âgées est un choix de civilisation. Et c’est aussi l’avenir, car les petits, les enfants, les jeunes mèneront de l’avant cette société avec leur force, leur jeunesse, et les personnes âgées la mèneront de l’avant avec leur sagesse, leur mémoire, qu’elles doivent donner à nous tous.
Et cela me réjouit, que le Conseil pontifical pour la famille ait créé cette nouvelle icône de la famille, qui reprend la scène de la Présentation de Jésus au temple, avec Marie et Joseph qui apportent l’Enfant, pour observer la Loi, et les deux personnes âgées, Syméon et Anne, qui, animés par l’Esprit, l’accueillent comme le Sauveur. Le titre de l’icône est significatif : « De génération en génération s’étend sa miséricorde ». L’Église qui prend soin des enfants et des personnes âgées devient la mère des générations de croyants et, dans le même temps, elle sert la société humaine car un esprit d’amour, de famille et de solidarité aide tout le monde à redécouvrir la paternité et la maternité de Dieu. Et cela me plaît, quand je lis ce passage de l’Évangile, de penser que les jeunes, Joseph et Marie, l’Enfant aussi, font tout ce que la Loi dit. Saint Luc le dit quatre fois : pour accomplir la Loi. Les jeunes sont obéissants à la Loi ! Et les deux personnes âgées font du bruit ! À ce moment-là, Syméon invente une liturgie personnelle et élève des louanges, les louanges à Dieu. Et la petite vieille s’en va et bavarde, elle prêche avec les bavardages : « Regardez-le ! ». Comme ils sont libres ! Et il est dit à trois reprises de ces personnes âgées qu’elles sont conduites par le Saint-Esprit. Les jeunes par la Loi, eux par le Saint-Esprit. Se tourner vers les personnes âgées qui ont cet esprit à l’intérieur, les écouter !
La « bonne nouvelle » de la famille est une partie très importante de l’évangélisation, que les chrétiens peuvent communiquer à tous, à travers le témoignage de la vie ; et ils le font déjà, cela est évident dans les sociétés sécularisées : les familles vraiment chrétiennes se reconnaissent à la fidélité, à la patience, à l’ouverture à la vie, au respect pour les personnes âgées... Le secret de tout cela est la présence de Jésus dans la famille. Nous proposons donc à tous, avec respect et courage, la beauté du mariage et de la famille, éclairés par l’Évangile ! Et c’est pour cela que nous nous approchons avec attention et affection des familles en difficulté, de celles qui sont obligées de quitter leur terre, qui sont brisées, qui n’ont pas de maison ou de travail, ou qui souffrent pour tant de motifs ; des conjoints en crise et à ceux désormais séparés. Nous voulons être proches de tous avec l’annonce de cet Évangile de la famille, de cette beauté de la famille.
Chers amis, les travaux de votre assemblée plénière peuvent être une précieuse contribution en vue du prochain Synode extraordinaire des évêques qui sera consacré à la famille. Je vous remercie également pour cela. Je vous confie à la Sainte Famille de Nazareth et je vous donne de tout cœur ma Bénédiction.
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